mercredi 29 octobre 2014

Malaise

Ne nions pas l'évidence, nous, militants socialistes, sommes bouleversés qu'un manifestant ait « trouvé la mort » en manifestant pacifiquement – certains disent même qu'il s'enfuyait – contre un projet controversé d'infrastructure : ce n'est pas l'image que nous nous faisions, nous peuple de gauche, d'une démocratie apaisée.

Mais étrangement, nous nous taisons. Pas ou peu de messages de soutien, de posts compassionnels, de tweets indignés.

Est-ce parce que nous sommes censés être au pouvoir ? Pour, en quelque sorte, ne pas gêner notre gouvernement, notre ministre de l'Intérieur ? Mais notre parole libre ne pourrait-elle pas plutôt aider ce ministre, ce gouvernement ? Ne pouvons-nous, ne devons-nous pas exprimer notre honte de voir ainsi s'opérer sous nos yeux un remake de l'affaire Oussekine, par un pouvoir socialiste ?

Parce qu'il y a bien, rassurez-moi, une manière « de gauche » d'exercer le pouvoir politique, n'est-ce pas ? Et même une capacité toute « socialiste » à prôner le dialogue et la concertation quand des projets mal ficelés font monter la colère populaire ? Comme a su le faire Jean Marc Ayrault pour le déménagement de l'aéroport Nantes-Atlantique.

Là est la première question. La seconde c'est : « Est-il normal qu'un pouvoir démocratique utilise des armes de guerre contre sa propre population ? ». En d'autres termes, faut-il parfois tirer sur la foule ?

On peut se cacher derrière la langue de bois en acier des communicants politiques : « attendons les conclusions de l'enquête », « il n'y a pas eu de bavure » (!), « nous sommes un État de droit »... mais les faits sont là : la violence était du côté des forces de l'ordre.
Quelqu'un a tiré, en tir tendu, sur de jeunes militants écolos, avec des grenades.

Pas de policier blessé, un manifestant mort.

La police est-elle encore républicaine dans ce pays ? Ou bien lui laisse-t-on la bride sur le cou, la laisse-t-on exercer sa propre justice, afin de terroriser le bon peuple ? D'éviter qu'il ne se rebelle contre des projets ineptes ou pharaoniques ou trop dispendieux ? De l'empêcher de s'interroger sur le creusement de nos dettes, la corruption des élus par le BTP, les passe-droits, l'incivilité, les privilèges, l'impunité du pouvoir ?

Parce que si c'est le cas, la première question tient sa réponse : il n'y a aucune différence d'exercice du pouvoir entre gauche et droite et un Cazeneuve vaut un Pandraud. Le pouvoir gouverne par la peur, parce que le pouvoir a peur. Peur de réformer sa police, peur de perdre le pouvoir, peur de devoir rendre des comptes...

Alors le pouvoir laisse tirer sur la foule, utilisant les « forces de l'ordre » pour montrer qu'il est fort, qu'il a raison contre les opposants, tous les opposants, contre le peuple, contre l'histoire.
En tuant à l'occasion un gamin indiscipliné.