mercredi 11 janvier 2023

Philosophie de la retraite

Le Gouvernement tente de faire passer la réforme des retraites pour un simple problème comptable : il y aurait des difficultés à maintenir une couverture suffisante entre cotisants et retraités pour financer le système actuel par répartitions dans les années à venir.
Il faudrait donc augmenter la durée légale du travail, le nombre d'annuités de cotisations, pour "sauver le système". Sous-entendu "notre superbe et efficace système par répartition".



Mais la question de la retraite des travailleurs, salariés, artisans, artistes et autres cotisants, n'est pas un problème de chiffres : c'est une question de philosophie !

Comment voulons-nous vivre ? Comment souhaitons-nous - puisque c'est inéluctable - vieillir ?

Si nous acceptons de vivre en société, d'y payer des impôts, c'est pour que notre organisation sociale permette à chacun de vivre le mieux possible, socle de la paix civile, d'améliorer nos conditions de vie à chaque génération, grâce aux progrès de l'éducation, de la connaissance et des techniques, et d'être protégés au mieux des aléas et impondérables de l'histoire. C'est l'obligation de l'État.

Sinon, l'ascétisme du reclus, la misanthropie et l'individualisme seraient de mise. Et les malheurs bien plus fréquents. Un retour aux temps anciens.

La retraite par répartition est un système social de retraite possible, mais pas le seul.

Sa philosophie est simple : puisque arrivés à un certain âge, nous ne sommes plus en capacité de travailler et de produire sans souffrance, par fatigue, par maladie, bref par "vieillesse", la société a accepté de différer une part de la richesse collectivement produite (les cotisations) pour la reverser aux "ayant-droit", une fois atteint l'âge de la retraite, c'est à dire de la sortie du système productif.

Voilà quelque chose de fondamentalement humain : je me prive aujourd'hui d'une - petite - partie de mon pouvoir de vivre pour pouvoir continuer à vivre dignement une fois que l'âge ne me permettra plus de produire pour la collectivité. C'est le système de l'assurance maladie, de l'assurance chômage, des assurances en général.

D'autres systèmes sont possibles : par exemple, plutôt que m'en remettre au cadre collectif, je m'occupe de moi-même, j'épargne individuellement, et je me constitue mon "capital retraite" sans amputer quiconque de son pouvoir d'achat, de cette fraction de salaire qui part dans une caisse commune, gérée par des "partenaires sociaux".

Ce qui diffère profondément dans ces deux systèmes, c'est d'une part la résistance du tissu social, et d'autre part la gestion de cette "richesse différée" : dans un cas, ce sont les "partenaires sociaux", dans l'autre les banques.

S'il n'y a pas d'objection à ce que des personnes aisées puissent épargner pour leur retraite, on peut convenir que pour une majorité de citoyens ce soit impossible, par exemple pour les 10% de smicards qui peinent à boucler les fins de mois. Ce système imposé conduirait à une rupture d'égalité, entraînant une déchirure du tissu social entre classe bourgeoise et classes populaires. Et à terme, la fin de la République.

D'ailleurs il n' y a pas besoin d'imposer ce système : la bourgeoisie, les classes aisées, épargnent sans qu'il soit besoin de les y obliger.

Dans la répartition, l'État apporte une garantie de financement, même s'il ne gère pas directement les caisses de retraite.
Dans la capitalisation, on a pu voir en 2008, avec l'effondrement des banques et de l'économie, que de nombreux retraités "épargnants"... avaient tout perdu de ce bas de laine constitué au long de leur vie... Certains devant même retourner travailler pour simplement pouvoir survivre !

Est-ce cette société que nous voulons pour nous et nos enfants ? Est-ce que l'injustice sociale est un projet viable ?

Si la réponse est "non", il faut donc se donner les moyens de maintenir le système par répartition, et d'abord en le dotant conformément aux prévisions démographiques : ce que l'État français n'a pas fait pendant les quarante années précédant l'arrivée des "baby-boomers" à l'âge de la retraite ! 

La politique consiste à décider d'un avenir souhaitable, et à mobiliser les moyens pour y parvenir. Si on peut trouver de l'argent magique pour armer un pays étranger, ou le reconstruire après une catastrophe naturelle, ne serait-il pas possible d'en dégager pour le peuple français vieillissant, au moins le temps que la vague des boomers passe et s'éteigne...?

Le fin mot de l'histoire, évidemment, se trouve du côté des classes dirigeantes, qui sont aussi les classes opulentes, les classes épargnantes : toutes ces caisses collectives, retraites, sécurité sociale, chômage, gérées paritairement, échappent au capitalisme, aux banques, à l'investissement productif, à la machine économique qui s'enrhume ; pour aller aux improductifs, aux malades, aux vieillards, aux sans-emploi !

C'est donc bien de philosophie qu'il s'agit d'abord, et de gros sous ensuite.

Eh oui ! Mises bout-à-bout, toutes ces caisses qui échappent aux prédateurs de la finance internationale - le fameux "adversaire" de François Hollande ! - constituent un pactole qui les fait fortement saliver : il s'agit tout de même d'une enveloppe avoisinant les 900 milliards d'euros !

Citoyens, sommes-nous devenus fous au point de lâcher la proie pour l'ombre ?


jeudi 14 octobre 2021

Pour en finir avec le complotisme.



Pendant des décennies sinon des siècles, la "théorie du complot" a largement failli à expliquer les aléas du monde, quand tant d'autres explications, militaires, économiques, sociales, techniques, "sociétales", offraient aux événements une grille de lecture mieux adaptée et plus conforme aux évolutions que chacun pouvait constater.



Cette fameuse "théorie du complot", réactionnaire, fut à juste titre réfutée, ridiculisée et réservée aux pauvres en esprit - auxquels, comme on le sait, "le royaume des cieux appartient". Imaginer une conspiration internationale d'hommes en noir, tirant les ficelles d'un théâtre de marionnettes pour amuser la multitude et la détourner des véritables affaires du monde, était une rêverie d'esprits malades ou de dégénérés abâtardis, jaloux de quelques belles réussites ou aigris de leur trop nombreux échecs : des ratés, en quelque sorte.

Que quelques philosophes et penseurs élaborent des théories expliquant, par la simple politique des échanges de produits concurrents, la richesse des nations et leur mouvement vers le progrès fut un temps satisfaisant. Les deux guerres mondiales du XXe siècle, qui ont vu l'effondrement de nombreuses illusions, ont pu raviver la paranoïa du conspirationnisme, notamment après l'avènement du communisme international et l'instauration de la guerre froide : Mac Carthy et Edgar Hoover - ils n'étaient pas les seuls - voyaient des complots communistes absolument partout ! Or il y en avait fort peu.

Avec la paix retrouvée, la théorie économique et quelques sociologues permirent à nouveau d'évacuer cette chimère délirante, qui ne revint sur le devant de la scène qu'avec l'irruption de l'âge digital et de la "toile d'araignée mondiale" : l'Internet. On doit aux auteurs d'anticipation et de politique-fiction l'essentiel de cette résurgence : ils avaient compris très vite quelle tyrannie du contrôle ce nouvel outil  numérique était en mesure de fournir aux pouvoirs politiques. Et il semble bien qu'ils ne se soient pas trompés…

Parce qu'il ne faut surtout pas croire que ce qui fut absurde par le passé soit condamné à le rester toujours. L'histoire est constellée de pensées farfelues ou ineptes devenues avec le temps des certitudes indépassables ; de la rotondité de la terre à l'héliocentrisme, de l'atomisme Lucrécien à la mécanique ondulatoire de de Broglie (d'abord raillée comme une "comédie française"... mais qui lui valut le Nobel de physique !), de la théorie de l'évolution à celle des germes pathogènes microscopiques...

Hélas oui, aujourd'hui, tout est en place pour faire de la théorie du complot une explication satisfaisante de la folle course de ce monde vers l'abîme : l'internet et la cryptographie numérique ; l'accumulation de plus en plus de richesses et de pouvoirs en de moins en moins de mains ; le contrôle de chaque individu par le programme "Echelon" et le traitement des "big-data" par des intelligences artificielles ; une mondialisation économique qui standardise la politique des états et le consumérisme des individus ; des "passes sanitaires" pour contrôler vos allées et venues ; bientôt une puce pour vous télécommander ; enfin la télévision et les media, propriétés quelques milliardaires, qui diffusent toujours et partout le même message hypnotique : "obéissez, taisez-vous, on s'occupe de tout". Ce "complot" n'est finalement que la défense bien comprise des intérêts d'une caste qui risquerait fort de perdre la tête si elle perdait le pouvoir...

Il est tout aussi stupide de voir des complots partout que de n'en voir nulle part ; à l'heure où l'impunité des conspirateurs leur permet même de montrer en pleine lumière leurs véritables objectifs et leurs méthodes ignobles, sans aucun risque de les compromettre. Il s'agit simplement de maintenir l'asservissement d'une masse de pauvres afin qu'elle continue de produire la vie rêvée d'une minorité de riches.  Rien d'autre. Ce que Debord avait d'ailleurs fort bien théorisé à la fin des années 80 : 

"Autrefois, on ne conspirait jamais que contre un ordre établi. Aujourd’hui, conspirer en sa faveur est un nouveau métier en grand développement. Sous la domination spectaculaire, on conspire pour la maintenir, et pour assurer ce qu’elle seule pourra appeler sa bonne marche."

La "bonne marche" du spectacle, la finalité de ce complot, auquel nous participons chacun à notre place, consiste à transformer ce monde en diverses marchandises, les marchandises en monnaie, la monnaie en colonnes de chiffres.

Si ce projet ne vous convient pas, il est peut-être temps de le faire savoir.

mardi 12 octobre 2021

Au futur pétrifié

Un quarteron de milliardaires a pris l'humanité en otage et s'apprête à décider de son sort, de notre avenir commun.

Ils n'ont pour cela pas plus de légitimité qu'un paysan du Penjab ou qu'une restauratrice d'Argentine.

Mais ils le peuvent.

Une organisation économique patiemment mise en place par les plus riches, et favorisant toujours les plus favorisés, a abouti à ce que les circuits de la richesse convergent vers un nombre restreint de comptes bancaires, dont certains ont, structurellement, pu accumuler des quantités pharaoniques : ce sont les comptes des hyper-riches, ces gens dont les noms ne sont vénérés que par les pauvres naïfs qui rêvent d'être à leur place.

La confiscation par la minorité opulente de la monnaie, grâce au casino boursier et au bonneteau législatif, a donc créé des bulles gigantesques ici, des pénuries atroces là-bas. Les quelques opulences qui en sont les bénéficiaires ont décidé, souverainement, que le sort les avait ainsi désignés, eux et personne d'autre, pour prendre selon leur bon vouloir la direction de la planète Terre et de ses habitants. Il s'agit de monarques d'un type nouveau : les « ploutocrates ».

Ils ont partout choyé des politiciens, des magistrats, des économistes, bref des ambitieux, pour que les législations nationales éparses puissent converger afin d'établir une mondialisation de l'économie dont les structures leur serait éternellement profitables.

Pour faire admettre cette iniquité révoltante – en restant à l'abri des révoltes – ils ont acheté tous les media de forte influence, tous les leaders d'opinion et saltimbanques en manque de reconnaissance narcissique, qui déversent quotidiennement sur les antennes leur message rassurant et soporifique : « produisez des richesses pendant que nous décidons de leur utilisation ».

Le bât blesse évidemment dès que l'on constate que « leur utilisation » n'est pas du tout la même pour ceux, nombreux, qui produisent ces richesses que pour ceux, rares, qui les accaparent : les premiers veulent vivre décemment ; les autres pérenniser leur privilèges.

Il y a donc bien une guerre des riches contre les pauvres – sinon comment rester riches ? - qui se traduit désormais non plus par le consensus dit « démocratique » des trente glorieuses, période faste de l'après-guerre, mais par une domestication obtenue par la privation de culture et l'abrutissement médiatique, par une confiscation nouvelle, après celle de la monnaie, de la connaissance et des espaces vitaux : celle du temps libre et de l'information crédible.

Cette confiscation a pour but d'empêcher tout discours ou action revendicatrice par l'impossibilité de disposer des outils nécessaires à leur élaboration.

Il est donc apparemment possible d'acheter l'avenir – ce qui toujours été l'obsession des riches – mais qui se hasarderait à le prédire ?..

La domestication de l'espèce humaine dominée par une minorité opulente conduira-t-elle au parcage et à l'extermination de la majorité ?

Ou bien la majorité comprendra-t-elle enfin que vouloir « devenir riche » c'est vouloir que d'autres « restent pauvres », c'est vouloir consommer, donc détruire la planète, et la raison humaine posera-t-elle enfin l'équation salvatrice, qui démontre que «  Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune » ? Ainsi que l'avaient si bien écrit les révolutionnaires de 1789, dans un déclaration restée célèbre, et universelle ?


jeudi 6 août 2020

La stratégie du complot

Cela fait maintenant une quinzaine d'année que les maîtres de l'économie le savent : la croissance, c'est fini. C'est comme les cours de l'or ou du café, il y a des pics, des creux mais ça ne monte jamais jusqu'au ciel (ça tombe parfois dans l'abîme, quand la rareté cède la place à l'abondance).

Nous en sommes là avec l'argent : il y a surproduction d'argent et la "politique de l'offre" peine à produire suffisamment de marchandises inutiles pour absorber cet argent, qui reste immobile, ce qui pour le capitalisme s'appelle la mort.

Le capitalisme ne veut pas mourir ou plutôt ceux qui profitent de cet étrange système veulent qu'il dure, éternellement. Jusque là, l'illusion de l'ascenseur social, du rêve américain, du self-made-man parti de rien permettait de croire que le salut par la fortune était à portée de main pour qui voulait bien la tendre.

Mais sans croissance, pour que cette illusion perdure, il faudrait "redistribuer" les richesses qui existent déjà ! Et ça, ce n'est pas dans le logiciel capitaliste.

Alors depuis toutes ces années, les neurones les plus chers du monde cogitent : comment faire durer un système économique qui ne promet plus rien ? 

Il y a les tenants de la méthode douce, qui veulent intégrer au logiciel une partie des revendications, les moins couteuses, des "citoyens". Ici, on accepte un peu de green-washing, là on promet un tapis d'aides sociales - le moins épais possible. Ailleurs on crée un "medicare" pour tempérer la grogne.

Mais la grogne a continué à monter. 

Les capitalistes, qui connaissent l'histoire, ont eu peur. Ce sont donc les faucons qui sont montés aux créneaux. Pour eux, c'est simple : la minorité parasite, qui contrôle l'économie et donc la survie de l'humanité, doit faire sécession. Il faut se protéger des émeutiers, des manifestants, des gilets jaunes, des démocrates, des crasseux, bref, des peuples, pour pouvoir continuer à faire de bonnes petites affaires entre amis. Quitte à construire des murs. Avoir abattu celui de Berlin n'était finalement pas si progressiste !

La méthode s'appelle "Remote control". En français "télécommande". 
Et c'est vrai qu'aujourd'hui, c'est la télé qui commande. Ou plus exactement ceux qui parlent dedans, qui nous "donnent des ordres et, fort harmonieusement, viennent nous dire ce qu'ils en pensent". 

La conclusion des faucons fut sans appel : il y a sur terre encore trop de population et pas assez de robots. La survie du sytème de domination capitaliste exige beaucoup de robots et peu de main d'oeuvre : quelques programmeurs, quelques ouvriers de maintenance et le jardin d'Eden - une sorte de Disneyland porno - existera. Pour eux seulement. Pour toujours.

Il n'est jamais venu à l'idée de ces crétins surdiplômés qu'une autre gestion, plus pacifique, de la planète Terre et de ses occupants était possible, envisageable, et même souhaitable. Leur mission, kafkaïenne, ubuesque, absurde : que la totalité des richesses produites par les pauvres continue d'inonder le compte en banque des riches. 
Ils ont bâti un corpus d'artifices réglementaires et législatifs pour cela, et leur victoire est proche. La planète sera bientôt un désert et ils survivront dans un Xanadu idyllique, séparés de l'affreuse réalité des humains, pour l'éternité.

Donc, se débarrasser de 50% de l'humanité, cette partie la plus pauvre qui possède moins qu'une vingtaine de nababs cocaïnés à moitié dingues... Mais comment ? Le Goulag, les camps d'extermination, ça finit par se voir et se savoir, ça ferait mauvais genre. Même les catastrophe naturelles ne sont pas assez gourmandes en vies humaines.

Les maîtres du capitalisme connaissent l'histoire et possèdent désormais tous les moyens de l'écrire.  Comment tuer en masse sans que personne ne soit responsable ? Quelques jeunes neurones ont suggéré la peste bubonique. Ils ont été virés, mais l'idée a fait son chemin. Habituer les populations à vivre avec un ennemi mortel à leur porte, à leurs côtés. Des microbes, inconnus, dangereux, capricieux, aveugles. Qui tuent sans état d'âme. Qui surgissent à l'improviste. S'en vont et reviennent à leur guise. 

Voilà le scénario qui a reçu l'Oscar. Nous sommes les acteurs, ou plutôt les figurants, de cette superproduction. Par la télé, il est possible de nous terroriser, un peu comme l'avait fait Orson Welles en annonçant le débarquement des extra-terrestres. Il suffit de quelques mots-clés, répétés en boucle, et le doute, puis la panique s'installent. Ensuite on teste l'hébétude et la soumission, on élimine les sceptiques, les récalcitrants : 3500 euros d'amende si tu ne mets pas un Kleenex sur ton visage, six mois de prison si tu récidives : il y a un virus mortel qui rôde... 

Evidemment, pour qui sait lire un scénario, celui-ci regorge d'absurdités, d'invraisemblances, de contradictions. Mais qu'importe, puisque c'est la télé qui commande.

Le film aurait été parfait et crédible sans un emmerdeur de toubib marseillais qui a tout foutu par terre.
Hollywood avait misé gros sur ce Blockbuster : Big-Pharma fourbissait ses seringues, Bill Gates allait vacciner la terre entière (mais pas ses enfants...). Et patatras, une tisane malgache, une molécule retraitée, et ce virus, pas plus terrible que la grippe, pouvait être soigné en quinze jours... 

Alors, ce furent les grands moyens : confinement (ce qui, sans tests, multiplia les contagions), interdiction de traiter (Doliprane et dodo...), médicaments à l'index (les seuls qui avaient une efficacité) et rabâchage de contre vérités anti-scientifiques sur les ondes... Boum : 30.000 morts !

Quand il est question conserver le pouvoir, peu importe le nombre de victimes. Ça aussi c'est écrit dans l'histoire.

 



 

lundi 22 juin 2020

Méfiez-vous du philosophe !

Donc, le nouvel ennemi, l'intellectuel à abattre, ou à "brûler" selon l'article du "Grand Continent", sur le bûcher des hautes valeurs morales de La Gauche – bien-pensante, toujours ! – c'est désormais Michel Onfray, le "néo-nationaliste".



Non pas Onfray le prof qui a quitté l'Éducation Nationale pour créer l'Université Populaire afin de lutter contre le FN, ouvrant ainsi les portes de la philosophie aux prolétaires ; non pas l'auteur du "Traité d'Athéologie", intouchable ; pas non plus le nietzschéen hédoniste, roué à la contre-attaque, ni l'auteur  de la "Brève Encyclopédie du Monde" – pas touche aux best-sellers ! Non : Michel Onfray le journaliste :  celui de "Penser l'Islam", de "Grandeur du Petit Peuple" et récemment de "Front Populaire". Michel Onfray, le Stakhanov de la plume, le ténia des media, celui qui se pique d'informer et d'édifier hors-cadre mainstream sur la réalité du monde. Quelle insolence pour un philosophe !

Sa faute ? Penser à gauche, en dehors des clous plantés par "La Gauche" dans le cercueil du peuple, ce peuple qu'elle a abandonné en rase campagne quand, perplexe, il s'est enfin autorisé à lui demander des comptes.

Que lui reproche-t-on, précisément ? De prendre la défense des petites gens contre les clercs et les élites autoproclamées, de dire et de prouver que la démocratie s'est éloignée des Français en quittant Paris pour Bruxelles. Que la-dite démocratie, c'est inéluctablement l'expression d'un peuple souverain sur un territoire géographiquement et politiquement constitué. Et que cette expression trouve sa vérité indépassable dans l'exercice du référendum. 
Ce que proclame également notre Constitution, soit dit en passant. 

En réalité, derrière cette vitrine, finalement athénienne, ce que la Nomenkaltura médiatique ne supporte pas chez Onfray, c'est qu'il ait toute la rhétorique à sa disposition en magasin, et donc régulièrement, contre les journalistes parisiens, le dernier mot. Qu'il les prive ainsi de leur fonction principale : l'info-tainment : le formatage ludique de l'opinion, la manipulation douce, le mantra hypnotique, le sommeil de la raison.

Veux-t-on lui faire avouer qu'il est nationaliste ? Il précise les termes : nationaliste, c'est chauvin, voire xénophobe ; souverainiste, c'est démocrate. Veux-t-on le coincer dans l'angle populiste ? Il s'érige contre les populicides, ceux qui ont balayé le référendum de 2005 deux ans plus tard, avec la même morgue à droite qu'à gauche. Quel que soit le cadre que les media lui tendent, Onfray dépasse, déplaît, agace.

Dernièrement, la team-media croit tenir le piège ultime contre lui : un débat en direct avec le vilain Zemmour. Qu'ils tombent d'accord et l'extrémisme de l'un révélera le nationalisme de l'autre ; qu'ils s'affrontent et d'une pichenette, l'arbitre du débat fera basculer l'un dans le camp des gauchistes anti-patriotes, puisque l'autre est notoirement néo-fasciste ! 
Là encore, mauvaise pioche : le débat, pour contradictoire qu'il fut, resta policé. Serein. Civil.

Spoliée du buzz attendu, la team-media se fendit d'articles et d'éditos assassins. S'ils échangeaient sans s'écharper, ce n'est pas parce qu'ils se respectaient assez pour s'écouter, mais évidemment parce qu'ils partageaient les mêmes valeurs ; s'ils participaient du même "style souverainiste", c'est qu'ils pensaient la même chose. S'ils n'avaient pas la bave au lèvres, c'est qu'ils étaient complices ! La poignée de main de Montoire pointait le bout de son gant...

Espérant creuser un peu plus leur tombe et ramant à grands coups de stylos, certains analystes voulurent détailler cette connivence supposée : ils falsifiaient tous les deux l'histoire dans le sens qui convenait à leur programme idéologique, probablement commun ! Onfray le Girondin, un anti-Robespierre donc, serait attiré par les fumets sulfureux du Boulangisme, cet ancêtre de la Cagoule. C'était limpide... comme l'encre d'un stylo !

Outre que l'histoire – "ce brouillard qui jamais ne sédimente" – est sans cesse en mouvement selon qui la regarde, selon les passions et les espérances du temps, il existe autant d'historiens que d'histoires : des historiens de droite et d'autres de gauche ne disent forcément pas la même chose de mêmes événements, d'un même personnage. Que deux intellectuels, politiquement opposés, puissent partager certaines perceptions de notre passé, quel scoop ! Et quand ils divergent, s'ils restent courtois, c'est bien qu'il n'y a désaccord que de façade, sinon c'en est fini du clash, du buzz et du manichéisme en politique. Bref, de la télé !

La faute inaugurale de "La Gauche" depuis quarante-cinq ans, Onfray la révèle et la corrige avec "Front Populaire". C'est ce qu'elle ne lui pardonnera pas : quarante-cinq années d'erreurs, de reniements et d'abandon du peuple.
Quelles erreurs ? De s'être complue dans le spectacle du combat fratricide entre la droite et l'extrême-droite, et de s'être assoupie sur les lauriers confortables de la moraline au lieu de poursuivre, rose et faucille au poing, l'âpre combat politique. De s'être "embourgeoisée" !

Il était urgent de comprendre la désaffection du peuple envers "La Gauche", et de "La Gauche" envers le peuple. Reprendre le débat impliquait de renouer avec ceux auxquels "La Gauche" avait depuis trop longtemps tourné le dos en se bouchant le nez (!). 
C'est ce travail ingrat mais indispensable et stimulant que tente Onfray avec "Front Populaire".

En accueillant dans ses colonnes la droite, la gauche et quelques extrêmes, Onfray renoue avec le combat pied à pied, en intellectuel fantassin. On tente de le comparer à ce que l'histoire a conservé de plus trouble parmi ces tentatives de rapprochement : au Général Boulanger, qui attira socialistes et nationalistes, et auquel le défunt Zeev Sternhell imputa imprudemment la naissance du national-socialisme ; ce qui est fort hasardeux, tant ce mouvement syncrétique n'eut pas le temps de livrer une idéologie politique structurée lors des cinq pauvres années qu'il dura. 
Et puis, qui sait comment apparaitra le Boulangisme dans les luttes à venir, pour les historiens du futur ?

L'Histoire dira si cet ultime effort pour "fédérer le peuple" permettra de redynamiser la démocratie française, ou si cette dernière s'est définitivement flétrie, fossilisée, perdue dans le labyrinthe Bruxellois. L'Histoire, et certainement pas les media.


dimanche 29 mars 2020

Relativisme scientifique (ou "pourquoi nous n'allons pas tous mourir... tout de suite")

Traduction d'un article du "Off-Guardian" à partir d'interviews de praticiens, chercheurs, scientifiques, étonnés par les décisions gouvernementales... inappropriées.



"Le nouveau pathogène n'est pas si dangereux, il l'est encore moins que Sars-1. La particularité est que le Sars-CoV-2 (Covid 19) se réplique dans la partie supérieure de la gorge et est donc beaucoup plus contagieux car le virus saute de gorge en gorge, pour ainsi dire. Mais c'est aussi un avantage: parce que Sars-1 se réplique dans les poumons profonds, il n'est pas si infectieux, mais il pénètre définitivement dans les poumons, ce qui le rend plus dangereux."
Prof. Hendrik Streeck 

"Les mesures anti-COVID19 du gouvernement sont grotesques, absurdes et très dangereuses […] L'espérance de vie de millions de personnes est raccourcie. L'impact horrible sur l'économie mondiale menace l'existence d'innombrables personnes. Les conséquences sur les soins médicaux sont profondes. Déjà, les services aux patients dans le besoin sont réduits, les opérations annulées, les consultations vides, le personnel hospitalier diminue. Tout cela aura un impact profond sur toute notre société. Toutes ces mesures conduisent à l'autodestruction et au suicide collectif basés sur rien d'autre qu'un fantôme."
Dr Sucharit Bhakdi

"Les politiciens sont courtisés par des scientifiques… des scientifiques qui veulent être importants pour obtenir de l'argent pour leurs institutions. Des scientifiques qui se contentent de nager dans le courant dominant et qui veulent leur part […] Et ce qui manque en ce moment, c'est une façon rationnelle de voir les choses.
Nous devrions poser des questions comme « comment avez-vous découvert que ce virus était dangereux?», «Comment était-il avant?», «N'avions-nous pas la même chose l'année dernière?», «Est-ce même quelque chose de nouveau?»
Ça manque."
Dr Wolfgang Wodarg

"Je n'ai jamais rien vu de tel, rien de semblable à ça. Je ne parle pas de la pandémie, car j'en ai vu 30, une chaque année. Cela s'appelle la grippe. Et d’autres virus des maladies respiratoires, nous ne savons pas toujours ce qu’ils sont. Mais je n'ai jamais vu cette réaction, et j'essaie de comprendre pourquoi.
Je m'inquiète du message au public, de la peur d'entrer en contact avec les gens, d'être dans le même espace que les gens, de leur serrer la main, de rencontrer des gens. Je m'inquiète de nombreuses conséquences liées à cela.
À Hubei, dans la province de Hubei, où le nombre de cas et de décès a été de loin le plus élevé, le nombre réel de cas signalés est de 1 pour 1000 personnes et le taux réel de décès signalés est de 1 pour 20 000. Alors peut-être que cela aiderait à mettre les choses en perspective."
Dr Joel Kettner

"Les patients qui ont été testés pour le SRAS-CoV-2 sont de manière disproportionnée ceux qui présentent des symptômes graves et de mauvais résultats. Comme la plupart des systèmes de santé ont une capacité de test limitée, le biais de sélection peut même s'aggraver dans un avenir proche.
La seule situation où une population entière fermée a été testée était le bateau de croisière Diamond Princess et ses passagers en quarantaine. Le taux de létalité était de 1,0%, mais il s'agissait d'une population largement âgée, dans laquelle le taux de mortalité de Covid-19 est beaucoup plus élevé.
Le taux de mortalité de Covid-19 pourrait-il être aussi bas? Non, disent certains, soulignant le taux élevé chez les personnes âgées. Cependant, même certains coronavirus dits bénins ou à rhume commun qui sont connus depuis des décennies peuvent avoir des taux de létalité atteignant 8% lorsqu'ils infectent des personnes âgées dans des maisons de soins infirmiers.
Si nous n'avions pas connaissance d'un nouveau virus et si nous n'avions pas vérifié les individus avec des tests de PCR, le nombre total de décès dus à une «maladie de type grippal» ne semblerait pas inhabituel cette année. Tout au plus, nous aurions pu remarquer avec désinvolture que la grippe cette saison semble être un peu pire que la moyenne."
Dr John Ioannidis

"L'Italie est connue pour son énorme morbidité dans les problèmes respiratoires, plus de trois fois n'importe quel autre pays européen. Aux États-Unis, environ 40 000 personnes meurent au cours d'une saison régulière de la grippe et jusqu'à présent, 40 à 50 personnes sont mortes du coronavirus, la plupart d'entre elles dans une maison de soins infirmiers à Kirkland, Washington.
Dans chaque pays, plus de personnes meurent d'une grippe régulière que celles qui meurent du coronavirus.
Il y a un très bon exemple que nous oublions tous: la grippe porcine en 2009. C'était un virus qui a atteint le monde depuis le Mexique et jusqu'à aujourd'hui il n'y a pas de vaccination contre lui. Mais quoi? À cette époque, il n'y avait pas de Facebook ou il y en avait peut-être, mais c'était encore à ses balbutiements. Le coronavirus, en revanche, est un virus ayant des relations publiques.
Quiconque pense que les gouvernements arrêtent la diffusion des virus se trompe."
Dr Yoram Lass

"Nous avons des chiffres fiables d'Italie et un travail d'épidémiologistes, qui a été publié dans la célèbre revue scientifique " Science ", qui a examiné la propagation en Chine. Cela montre clairement qu'environ 85% de toutes les infections se sont produites sans que personne ne s'en aperçoive. 90% des patients décédés ont de façon vérifiable plus de 70 ans, 50% plus de 80 ans.
En Italie, une personne sur dix diagnostiquée meurt, selon les résultats de la publication Science, qui est statistiquement une personne sur 1000 infectées. Chaque cas individuel est tragique, mais souvent - comme pour la saison de la grippe - il affecte des personnes en fin de vie.
Si nous fermons les écoles, nous empêcherons les enfants de devenir rapidement immunisés.
Nous devons mieux intégrer les faits scientifiques dans les décisions politiques."
Dr Pietro Vernazza

"Je ne suis pas fan du confinement. Quiconque impose quelque chose comme ça doit également dire quand et comment le terminer. Puisque nous devons supposer que le virus sera avec nous pendant longtemps, je me demande quand nous reviendrons à la normale ? Vous ne pouvez pas fermer les écoles et les garderies jusqu'à la fin de l'année ! Parce qu'il faudra au moins aussi longtemps avant d'avoir un vaccin. L'Italie a imposé un confinement et a l'effet inverse : ils ont rapidement atteint leurs limites de capacité, mais n'ont pas ralenti la propagation du virus pendant le confinement."
Frank Ulrich Montgomery

"Le problème du SRAS-CoV-2 est probablement surestimé, car 2,6 millions de personnes meurent d'infections respiratoires chaque année, contre moins de 4000 décès pour le SRAS-CoV-2 au moment de la rédaction du présent document.
Cette étude a comparé le taux de mortalité du SRAS-CoV-2 dans les pays de l'OCDE (1,3%) avec le taux de mortalité des coronavirus communs identifiés chez les patients AP-HM (0,8%) du 1er janvier 2013 au 2 mars 2020. Le test du chi carré a été réalisée et la valeur P était de 0,11 (non significative).
Il convient de noter que des études systématiques d'autres coronavirus (mais pas encore pour le SRAS-CoV-2) ont révélé que le pourcentage de porteurs asymptomatiques est égal ou même supérieur au pourcentage de patients symptomatiques. Les mêmes données pour le SRAS-CoV-2 pourraient bientôt être disponibles, ce qui réduira encore le risque relatif associé à cette pathologie spécifique."
Dr Yanis Roussel 

"Je suis profondément préoccupé par le fait que les conséquences sociales, économiques et de santé publique de cet effondrement presque total de la vie normale - écoles et commerces fermés, rassemblements interdits - seront durables et calamiteuses, peut-être plus graves que le bilan direct du virus lui-même. La bourse va rebondir dans le temps, mais de nombreuses entreprises ne le feront jamais. Le chômage, l'appauvrissement et le désespoir qui en résulteront seront des fléaux de santé publique de premier ordre."
Dr. David Katz

"Considérez l'effet de la fermeture indéfinie des bureaux, des écoles, des systèmes de transport, des restaurants, des hôtels, des magasins, des théâtres, des salles de concert, des événements sportifs et d'autres lieux et de laisser tous leurs travailleurs au chômage et sur la liste publique. Le résultat probable ne serait pas seulement une dépression, mais une rupture économique complète, avec d'innombrables emplois perdus de façon permanente, bien avant qu'un vaccin ne soit prêt ou que l'immunité naturelle ne s'installe.
La meilleure solution consistera probablement à laisser les personnes à faible risque de maladie grave continuer à travailler, à maintenir les activités commerciales et manufacturières en fonctionnement et à «diriger» la société, tout en conseillant en même temps aux individus à haut risque de se protéger par l'éloignement physique et augmenter notre capacité de soins de santé de la manière la plus agressive possible. Avec ce plan de bataille, nous pourrions progressivement renforcer l'immunité sans détruire la structure financière sur laquelle nos vies sont basées."
Michael T. Osterholm 

"Notre principal problème est que personne n'aura jamais de problèmes pour des mesures trop draconiennes. Ils n'auront des ennuis que s'ils en font trop peu. Donc, nos politiciens et ceux qui travaillent avec la santé publique font beaucoup plus qu'ils ne devraient le faire.
Aucune mesure draconienne de ce type n'a été appliquée pendant la pandémie de grippe de 2009, et elles ne peuvent évidemment pas être appliquées chaque hiver, ce qui est toute l'année, car c'est toujours l'hiver quelque part. Nous ne pouvons pas fermer définitivement le monde entier.
S'il devait s'avérer que l'épidémie s'atténuerait avant longtemps, il y aurait une file d'attente de personnes voulant s'en attribuer le mérite. Et nous pouvons être sacrément sûrs que des mesures draconiennes seront à nouveau appliquées la prochaine fois. Mais souvenez-vous de la blague sur les tigres. "Pourquoi soufflez-vous la corne?" "Pour éloigner les tigres." "Mais il n'y a pas de tigres ici." "Voilà!"
Dr Peter Goetzsche


dimanche 9 février 2020

La Gauche se meurt...

Il faudra un jour faire l'historique de la dégénérescence de la Gauche française, pour établir comment elle en est venue à finalement préférer défendre des bigots fascistes contre Mila, une adolescente athée et rebelle.

L'origine de cette déchéance abjecte est à chercher dans son arrogance immense à se croire ontologiquement fondée à exercer le magistère du "bien" absolu : sa mission, forcément sublime, libératrice, émancipatrice, ne pouvait que s'accompagner de raisonnements incontestables, d'actions hautement morales et d'une altitude intellectuelle inaccessible au vulgaire ; cette arrogance, cette vanité qui lui permettaient de se proclamer "le sens de l'histoire" ! En cela, cette Gauche sentait le messianisme... Le problème, c'est que l'histoire n'a aucun sens !

Arriva, un jour - pourtant issu de ses propres calculs stratégiques ! - l'exact contraire de ce à quoi la Gauche se croyait destinée : le Front National.

Là où elle se déclarait internationaliste, il voulait fermer les frontières ; là où elle était ouverte et accueillante, il souhaitait limiter l'immigration et le droit d'asile ; là où elle débordait de générosité, il entendait conditionner ses largesses et les réserver au peuple français.

Trop heureuse d'avoir scindé la Droite, la Gauche oublia d'envisager l'inéluctable retour du balancier et engrangea un temps les victoires électorales. L'ivresse du succès balaye les doutes et émousse l'intelligence. Cette gauche triomphante - enfin ! - cessa d'analyser la dynamique électorale qui gonflait le FN, ce qui précipita sa conversion au manichéisme politique : puisqu'elle était le "bien", le FN était forcément le "mal".

On ne négocie pas avec le mal, on le combat, on le détruit ; du moins, selon la morale religieuse. Incapable de contrôler sa créature, la Gauche lui tourna le dos, la décréta "antirépublicaine", la méprisa, et voulut circonscrire l'infection virale derrière un "cordon sanitaire" - empruntant ainsi à l'extrême-droite sa conception biologisante de la société...

On décida ainsi que parler d'immigration, ce serait "faire le jeu du FN".
Et le FN progressa.
Que s'occuper prioritairement des français en souffrance, c'était "faire le jeu du FN".
Le FN progressa.
Que s'inquiéter des territoires perdus de la République, c'était "faire le jeu du FN".
Le FN progressa... 

Mais ne pas débattre avec le FN, n'était ce pas se couper de son électorat ? N'était-ce pas éviter de réfléchir à ses thématiques, ce qui eût permi d'inventer des solutions socialement acceptables, de gauche, à la place des simplifications démagogiques du Front National (aujourd'hui "Rassemblement National") ?

On parvint ainsi à une telle inversion des principes que défendre les valeurs de la République devint une forme de racisme, affirmer la laïcité devint du colonialisme, invoquer l'universalisme, de la xénophobie, combattre l'Islamisme - une idéologie pourtant clairement totalitaire - du fascisme !

Désertant ce qui faisait son socle progressiste, la Gauche abandonna en rase campagne une part de son propre électorat, socialo-communisto-prolétarien, furieux de la béance entre son discours et ses actes. Le FN prospéra sur cette friche.

Ainsi, commençant à perdre du terrain, il fallut au camp du Bien se chercher un électorat de substitution, une nouveau peuple opprimé à qui vendre ses salades émancipatrices. Elle le trouva dans les banlieues, dont jusque là elle n'avait eu que faire. À coup de "Touche pas à mon pote", elle crut combattre le FN par des slogans clinquants et médiatiques.
Le FN prospéra.

Dès lors, La Gauche ne voulut plus entendre la voix du prolétariat souffrant, trop "populiste" à son goût, voix couverte par les sirènes du show-biz multiculturel ; prolétariat qui se tournait de plus en plus, à chaque élection, vers le Front national. Elle lui abandonna non seulement le petit peuple, mais des pans entiers de politique culturelle et sociétale. Elle s'amputa elle-même de sa mission originelle : secourir les plus méprisés, offrir l'égalité des chances, instruire les moins éduqués.

Passée à l'économisme libéral - "il n'y a de politique qu'économique !" - oubliant le culturel, la lutte des classes et tout Karl Marx, pour valoriser l'Entrepreneuriat, c'est à dire la Bourgeoisie, la Gauche se réveilla un beau matin au milieu d'un champ de ruines : deux fois en quinze ans le FN lui avait grillé la politesse du second tour aux présidentielles !

Elle s'offrit même le ridicule de produire le seul président sortant qui, incapable de défendre quoi que ce soit de son bilan, fut contraint à ne pas se représenter ! Poussé vers la sortie par ses commanditaires, il s'en retourna dans son terrier, bourses vides mais portefeuille bien garni.

Une erreur d'analyse ne vient jamais seule. Plutôt que renouer avec son électorat natif, la Gauche s'en éloigna encore davantage : il était impie ? Elle se fit bigote ; il était inculte ? Elle se fit cuistre et jargonnante : "woke" ; il était pauvre ? Elle installa un banquier à l'Élysée.

Celui-ci, parvenu au sommet de l'État, n'eut rien de plus urgent que de le dissoudre.
De facto, il dissolvait la Gauche !

Ayant refusé de comprendre, de débattre, de composer avec l'électorat qu'elle avait déçu, trahi, auquel elle avait menti, la gauche mourut politiquement. Il n'en resta que les lambeaux idéologiques, ici un peu plus écologistes, là-bas un peu plus sociaux, paralysés partout par les traités ultra-libéraux de l'Union des Républiques Sociodémocrates Européennes (URSE).

Aujourd'hui exsangue de son universalisme, de son élan vers le progrès moral et social de l'Humanité, vers l'extension des libertés individuelles et le retour de la souveraineté populaire, la Gauche est grabataire, sénile, et radote deux ou trois vieilles formules auxquelles personne ne croit plus. Là ou s'exprime la volonté du peuple, elle ne lit plus "démocratie" mais "populisme". Là où les forces vives du pays dénoncent la nouvelle inquisition islamiste qui piétine la laïcité, elle gémit "racisme !" par réflexe. 
Là où les féministes sont battues et emprisonnées pour oser lutter contre le patriarcat, elle bafouille "liberté des femmes à refuser la liberté"...

Il ne lui reste en effet que cette dernière carte à jouer pour ne pas sombrer dans les eaux glacées du calcul électoral, qui stagne à moins de 5% des suffrages exprimés : défendre des bigots fanatisés, homophobes, misogynes, violents, les plus opposés aux valeurs fondatrices de la gauche, les plus menaçants pour la république...

La Gauche se meurt... la Gauche est morte ?