samedi 8 novembre 2014

Interlude


Il existe des polémiques incessantes entre les tenants des étymologies justes, attestées par l'histoire de la littérature ou de vieilles encyclopédies, et les « modernistes » qui veulent inventer des origines ad hoc aux mots et aux expressions usuelles dont ils ignorent la provenance. Et, on le sait,  "l'ignorance a toujours tort de faire connaître son opinion". 

On entend donc de plus en plus souvent, et on commence à voir écrit : « comme même » au lieu de « quand même », ou « à toute suite ! » plutôt qu' « à tout de suite ! ». On verra bientôt des débats télévisés qui concluront que toutes ces orthographes sont valides. 

Mais la polémique la plus ridicule est sans doute celle qui oppose les tenants de la graphie « au temps pour moi » aux puristes du « autant pour moi » quand il s'agit d'admettre séance tenante une erreur, une confusion, un amalgame.

Le premier handicap de la graphie fautive « au temps pour moi », c'est qu'elle est entachée d'une double naissance : certains la prétendent issue du vocabulaire musical et d'autres, non moins véhéments, du commandement militaire.

Pour les uns il s'agirait, quand un instrumentiste commet une erreur d'exécution, de revenir au début de la phrase fautive, au niveau de la note mal effectuée ; un improbable chef d'orchestre demandant, comminatoire, à son orchestre : « au temps, pour le violoncelle » !

Pour les autres, l'expression trouve son origine dans le maniement des armes, et plus précisément dans l'exigence de synchronicité lors de la présentation des fusils ; si certains soldats étaient en avance – ou en retard – sur leurs camarades, on entendrait ainsi le bruit des crosses décalé en cascade, au lieu de n'ouïr qu'un seul son quand la manœuvre est parfaitement synchrone. Il ne resterait plus alors au sergent-instructeur qu'à rééditer l'exercice au son de : « au temps, pour les crosses » !
On pourra arguer à l'infini pour déterminer si, peut-être, une de ces deux expressions ne serait pas fille de l'autre – mais laquelle ? – tentant d'accréditer par là cette graphie scabreuse. 

Mais on aurait un mal fou à la faire coïncider, quelle que soit l'origine retenue, avec le sens exact de l'expression contemporaine, qui signifie « ah, mince : j'ai dit une ânerie ! »
Quel militaire inattentif pourrait-il avoir l'audace de s'écrier : « au temps, pour moi ! » lors d'un exercice ?
Quel hautboïste fatigué se permettrait de demander au chef, au cours d'une répétition difficile à la partition ardue, « Ah ! Pardon, pardon... Au temps, pour moi ! »... ?
Qui a jamais entendu qui que ce soit dans une de ces conditions s'écrier « Au temps pour moi ! » ? Quand on recommence, au cours d'une répétition, et quel qu'en soit le motif, on ne revient pas "au temps" mais à la mesure !

D'autant que l'expression « autant pour moi » a pour elle le mérite de la limpidité : « J'en ai autant à ton service ! », dit le malotru se faisant traiter d'andouille par un indélicat. Formule qui, par un locuteur facétieux a pu devenir un trait d'humour : autant à mon service, c'est à dire... « autant pour moi » !

Il faudra à l'avenir se méfier de ces paresseux de la langue qui n 'hésitent plus à inventer ce qu'ils n'ont pas le courage d'apprendre, car ce genre de confusion sied tout à fait au « plus indulgent de tous les siècles », le nôtre. Après tout, pourquoi ne pas tenter, dans un roman léger, l'introduction de « enchère et en noces » qui pourrait, après tout, faire sens  ? Ou bien « et incite suite » ? Ou encore « atout, t'as l'heure ? »... 

Sur ce, abonne en tant d'heures !
Ou devrais-je écrire « à bonne en tendeurs » ?

quelques sites, pour les incrédules :

Et un article, pour les gourmands :
Le plaisir des mots
« Autant »
par Claude DUNETON


Je lis dans un petit ouvrage utile et fort bien fait*, mais non sans faille de Jean-Pierre Colignon, préfacé par Bernard Pivot, l'injonction suivante : « Il faut écrire au temps pour moi ! » (et non « autant pour moi ») parce que cette expression fait référence au commandement militaire, ou bien à l'ordre donné par un professeur de gymnastique, par un chef d'orchestre, par un maître de ballet, et incitant à revenir parce qu'il y a erreur au premier mouvement d'une suite de positions, de mouvements.
Logique, is not it ? Très satisfaisant pour l'esprit !...
L'ennui c'est qu'il s'agit d'une information complètement fantaisiste, une pure construction de l'esprit, justement.
Trente ans passés à décortiquer les expressions françaises m'ont appris à me méfier des « explications » brillantes d'allure, des assauts de logique qui ne sont fondés sur aucun texte, aucune pratique réelle de la langue. On ne trouve nulle part cette histoire imaginaire de commandement « Au temps ! », ni à l'armée (qui a pourtant donné « En deux temps trois mouvements ») ni dans les salles de gym.
Surtout pas chez les chefs d'orchestre : des musiciens qui travaillent reprennent à telle mesure, pas au « temps », c'est saugrenu ! Colignon a rêvé cela, ou l'a cru avec beaucoup de logique apparente, en effet, donc de vraisemblance. Il ajoute du reste avec cohérence, dans une déduction impeccable : « Au sens figuré, très usuel, on reconnaît par là qu'on a fait un mauvais raisonnement », etc. Belle édification, qui repose sur un mirage.
« Autant pour moi » est une locution de modestie, avec un brin d'autodérision. Elle est elliptique et signifie : « Je ne suis pas meilleur qu'un autre, j'ai autant d'erreurs que vous à mon service : autant pour moi. » La locution est ancienne, elle se rattache par un détour de pensée à la formule que rapporte Littré dans son supplément : « Dans plusieurs provinces on dit encore d'une personne parfaitement remise d'une maladie : il ne lui en faut plus qu'autant (...) elle n'a plus qu'à recommencer. »
Par ailleurs, on dit en anglais, dans un sens presque analogue, so much for... « Elle s'est tordu la cheville en dansant le rock. So much for dancing ! (Parlez-moi de la danse !) So much, c'est-à-dire autant. C'est la même idée d'excuse dans la formulation d'usage : « Je vous ai dit le « huit » ? Vous parlez d'un imbécile ! Autant pour moi : c'est le dix qu'ils sont venus, pas le huit. » Le « temps » ici n'a rien à voir à l'affaire. Du reste on dit très rarement « autant pour toi », ou « autant pour lui », qui serait l'emploi le plus « logique » s'il y avait derrière quelque histoire de gesticulation.
Par les temps qui courent, j'ai gardé pour la fin ma botte secrète, de quoi clore le bec aux supposés gymnastes et adjudants de fantaisie dont jamais nous n'avons eu nouvelles. Dans les Curiositez françoises d'Antoine Oudin publié en l'an de grâce 1640, un dictionnaire qui regroupe des locutions populaires en usage dès le XVIe soit bien avant les chorégraphes ou les exercices militaires on trouve : Autant pour le brodeur, « raillerie pour ne pas approuver ce que l'on dit ».
Aucune formule ne saurait mieux seoir à ma conclusion : M. Colignon, qui fait la pluie et le soleil auprès des correcteurs professionnels, devrait bien publier un correctif ad hoc sur le mauvais temps qu'il nous fait par le biais de ce canular orthographique. Perseverare serait en l'occurrence proprement démoniaque !
*(L'orthographe, c'est logique ! de Jean-Pierre Colignon Col. Les dicos d'or de Bernard Pivot Albin Michel.)
Décembre 2003

mercredi 29 octobre 2014

Malaise

Ne nions pas l'évidence, nous, militants socialistes, sommes bouleversés qu'un manifestant ait « trouvé la mort » en manifestant pacifiquement – certains disent même qu'il s'enfuyait – contre un projet controversé d'infrastructure : ce n'est pas l'image que nous nous faisions, nous peuple de gauche, d'une démocratie apaisée.

Mais étrangement, nous nous taisons. Pas ou peu de messages de soutien, de posts compassionnels, de tweets indignés.

Est-ce parce que nous sommes censés être au pouvoir ? Pour, en quelque sorte, ne pas gêner notre gouvernement, notre ministre de l'Intérieur ? Mais notre parole libre ne pourrait-elle pas plutôt aider ce ministre, ce gouvernement ? Ne pouvons-nous, ne devons-nous pas exprimer notre honte de voir ainsi s'opérer sous nos yeux un remake de l'affaire Oussekine, par un pouvoir socialiste ?

Parce qu'il y a bien, rassurez-moi, une manière « de gauche » d'exercer le pouvoir politique, n'est-ce pas ? Et même une capacité toute « socialiste » à prôner le dialogue et la concertation quand des projets mal ficelés font monter la colère populaire ? Comme a su le faire Jean Marc Ayrault pour le déménagement de l'aéroport Nantes-Atlantique.

Là est la première question. La seconde c'est : « Est-il normal qu'un pouvoir démocratique utilise des armes de guerre contre sa propre population ? ». En d'autres termes, faut-il parfois tirer sur la foule ?

On peut se cacher derrière la langue de bois en acier des communicants politiques : « attendons les conclusions de l'enquête », « il n'y a pas eu de bavure » (!), « nous sommes un État de droit »... mais les faits sont là : la violence était du côté des forces de l'ordre.
Quelqu'un a tiré, en tir tendu, sur de jeunes militants écolos, avec des grenades.

Pas de policier blessé, un manifestant mort.

La police est-elle encore républicaine dans ce pays ? Ou bien lui laisse-t-on la bride sur le cou, la laisse-t-on exercer sa propre justice, afin de terroriser le bon peuple ? D'éviter qu'il ne se rebelle contre des projets ineptes ou pharaoniques ou trop dispendieux ? De l'empêcher de s'interroger sur le creusement de nos dettes, la corruption des élus par le BTP, les passe-droits, l'incivilité, les privilèges, l'impunité du pouvoir ?

Parce que si c'est le cas, la première question tient sa réponse : il n'y a aucune différence d'exercice du pouvoir entre gauche et droite et un Cazeneuve vaut un Pandraud. Le pouvoir gouverne par la peur, parce que le pouvoir a peur. Peur de réformer sa police, peur de perdre le pouvoir, peur de devoir rendre des comptes...

Alors le pouvoir laisse tirer sur la foule, utilisant les « forces de l'ordre » pour montrer qu'il est fort, qu'il a raison contre les opposants, tous les opposants, contre le peuple, contre l'histoire.
En tuant à l'occasion un gamin indiscipliné.

samedi 30 août 2014

L'arnaque

J'aurais donc, dans ma vie, voté deux fois à droite : la première en 95, pour faire barrage à Le Pen, et la seconde en 2012, pour me débarrasser d'Al Capone !
Sauf que la première fois c'était la mort dans l'âme mais en connaissance de cause ; la seconde, ce fut par entourloupe, en croyant bêtement voter à gauche ! 
Vingt-neuf mois plus tard, mon erreur est patente : non seulement le programme du candidat de gauche n'a pas été mis en œuvre mais les timides avancées sociales promises par son gouvernement vont rejoindre l'interminable cortège de mes illusions perdues !
« Y a-t-il une fatalité à ce que la gauche ne puisse gouverner ce pays ? » demandait, lucide, Michel Rocard un soir de 1974, après la défaite de Mitterrand. On serait aujourd'hui tenté de lui répondre oui.
Parce que, quand même :
• autoriser les chefs d'entreprises et leur actionnariat à puiser dans 50 milliards d'argent public présomptif pour en faire ce que bon leur semblera,
• éviter, pour ne pas effrayer le bourgeois, de trop hâter la récupération de 80 milliards de fraude fiscale,
• évoquer l'allongement du temps de travail comme piste possible de réduction des déficits (en gros « travailler plus pour gagner moins »),
• coller un Kerviel en prison, plutôt que plusieurs Pierre Richard (le banquier, pas le comédien),
• reculer sur l'encadrement des loyers (que vaut une promesse de campagne ?),
• diminuer les dotations aux collectivités, qui participent pour 75% de l'investissement public,
• envisager d'étrangler les intermittents du spectacle, donc de tarir la création culturelle,
• s'interdire de débattre – ce que même les Américains ont accepté ! - d'une remise en question de la prohibition, qui rapporte au Trésor du Colorado et y fait en même temps chuter la criminalité !
Bon, j'arrête là, le souffle me manque.

Si on ne fait que regarder crûment les faits, on peut affirmer, sans défaitisme aucun, que la gauche n'y est pas, que le socialisme n'y est plus. Est-ce une telle surprise ? Après tout, notre monarchie républicaine permet au souverain à peu près toutes les contorsions politiques, tous les renoncements idéologiques, tous les aggiornamenti possibles : ce n'est donc pas une découverte.
Mais surtout :
Entendre un Premier ministre imputer à celle qu'il voulait nommer n° 2 de son gouvernement la chute de la construction de logements neufs, alors que tous les graphes montrent exactement la même tendance dans les pays voisins, depuis 2008... Y aurait-il une sorte de boucle temporelle provoquant des catastrophes législatives AVANT que les ministres soient nommés et que leurs lois néfastes soient promulguées ? Et également, dans cet étrange univers médiatico-politique, une onde spatiale qui étendrait leur incurie nationale à TOUS les autres pays d'Europe ?.. Je pencherais davantage pour l'hypothèse de la simple mauvaise foi, plus scientifique, bien que les media répugnent à l'évoquer : ni autocritique, ni lèse-majesté...
Et enfin, le comble :
Notre nouveau ministre de l'Économie, le jeune, le fringant, le surdoué, philosophe, esthète (!), chouchou, hémisphère droit d'Hollande qui vient d'annoncer... la fin de la République !
« L'autre politique est donc un mirage » ; « le sérieux budgétaire et la restauration de notre compétitivité sont la seule voie possible » ; « les dissensions au sein du gouvernement et de la majorité posent un gros problème : elles provoquent de l'incertitude »...
Mais bon sang, mais oui, au fait : quelle horreur que l'incertitude, ne pas savoir de quoi demain sera fait... Bannissons l'incertitude !
Voilà donc résumée en d'autres mots une maxime célèbre qu'on aurait voulu recouverte du même linceul que celle qui la proféra : « il n'y a pas d'alternative ! », phrase définitive de Margaret Thatcher qui annonçait la fin de la politique, l'inutilité du débat, la mort des partis : puisqu'il n'y a qu'une politique possible, alors, à quoi bon aller voter ?

Épître aux socialistes et aux électeurs de gauche, par Manuel Valls n°2 :
"La République est un chien crevé sous un meuble."

vendredi 15 août 2014

En finir avec l'hypertélie ?

Nous vivons dans une société devenue hypertélique. Ne pas le voir, ne pas l'admettre, ne pas en prendre la mesure, c'est se diriger doucement mais sûrement vers la disparition.
Il y a 70 ans, nous étions, en Europe, en manque de tout : il fallait en même temps reconstruire des réseaux, des logements, des hôpitaux, des usines, des fermes ; nous devions aussi nourrir des affamés, éduquer des sauvageons, soigner des blessés, des malades, former des fonctionnaires...
Et nous avons fait tout ça, à marche forcée, sans réfléchir, simplement parce que "nécessité fait loi".
Les USA nous ont exporté leur modèle économique productiviste (agricole et industriel), leurs capitaux, leur culture, en un mot leur mode de vie. Et c'est ce dont nous avions besoin pour redevenir un pays riche, confiant, capable de subvenir à ses besoins, de croire en son avenir et de rembourser ses dettes. Tout ça était donc nécessaire.
Mais quatre développements techniques majeurs ont explosé au cours de cette première décennie de paix – entre 1945 et 1955 – dont nous n'avons pas clairement perçu les implications, donc pas correctement analysé les conséquences futures :

• l'accès aux forces nucléaires
• l'accès à l'ADN
• l'accès au carbone souterrain
• l'accès à la synthèse moléculaire

Ces quatre nouveaux pouvoirs ont changé le monde à jamais en faisant disparaître toute possibilité de retour en arrière : jusque là, toute erreur, tout excès d'une génération pouvait être corrigé par la ou les générations suivantes. Aucune conséquence dramatique ne mettait en danger l'espèce humaine.

La prolifération des radiations, la dissémination génétique, la pollution atmosphérique, la dispersion des molécules synthétiques engagent désormais chaque génération dans des décennies de puissance et des centaines de siècles d'impuissance ! C'est au cours de cette décennie, maudite par certains aspects, bénie par d'autres, que l'irréversible est entré dans l'histoire. C'est à ce moment singulier que vont se développer, par antinomie, les racines du "développement durable".

Ce qui était jusque là nécessaire a été poursuivi à l'identique, au-delà du rationnel, sans même imaginer que la croissance pourrait un jour atteindre une limite : nous nous sommes alors dirigés vers une hypertélie de l'activité, qui fut fatale à tant d'autres avant nous. 
Qu'est-ce que l'hypertélie ? C'est "l'excès du développement d'un organe par rapport à ses fonctions normales". Par exemple, les défenses du mammouth lui permettaient de fouir, de creuser le sol, de déplacer des charges. Elles ont continué à pousser, puis à s'enrouler jusqu'à devenir inutilisables, pesantes, gênantes. 
Ce qui était utile et efficace est devenu une imperfection, une infirmité, un handicap. 
C'est le cas de notre système économique.

Les fonctions normales de l'économie consistaient à "satisfaire les besoins". Aujourd'hui, l'économie hypertélique se développe en soi et pour soi, sans plus aucun rapport avec les besoins réels des populations : on créé d'abord tout ce qui est techniquement possible, on créé ensuite les conditions de vente et d'achat de ce qui est apparu sur le "marché". On exploite, puisque c'est efficace ; on dévaste, puisqu'il faut faire vite ; on ment, puisque ça rapporte. 

Il est devenu impossible d'arrêter ce Moloch qui dévore tout sur son passage. Comment pourrait-on dire "halte à la croissance" dans un monde tellement inégalitaire que seule l'illusion de la croissance maintient l'illusion du progrès ? Les écologistes, qui ne disposent d'aucun levier politique ou économique, continueront à crier dans le désert, les jeunes traders à vendre des monstres mathématiques pour nourrir leur Porsche en carbone fossile, les producteurs d'huile à détruire les forêts et les espèces animales, jusqu'à l'effondrement.

Après, dans un ou dix siècles, quand toutes les ressources auront été consommées, recyclées, re-consommées, quand il sera devenu impossible d'émigrer sur Mars ou de boire l'eau des ruisseaux, peut-être quelque nouvelle espèce intelligente saura réintégrer la biosphère, la réparer, la soigner et vivre en paix avec elle. 
Pourvu qu'alors subsiste le souvenir de notre échec, pour vacciner ces lointains descendants contre les "excès du développement", contre "l'idéologie de la croissance", et contre les mensonges mortels des "économistes".

mercredi 13 août 2014

" François Hollande n'existe pas ! "

Rien n'interdit aux commentateurs politiques - ni d'ailleurs aux militants d'un quelconque parti – de quitter l'analyse brûlante de l'actualité pour se projeter dans cet exotique avenir que nous espérons radieux, ou tout au moins pacifique.
Que penseront de nous nos descendants dans un ou deux siècles ? Que diront-ils du monde que nous leur aurons légué ? De quelles énormités, qui nous semblent aujourd'hui si indubitables et documentées, si « scientifiques », se moqueront-ils ? Quelles seront les pédantes casuistiques et scolastiques dont ils se gausseront, eux, les « modernes » quand nous serons relégués dans leur lointain moyen-âge ?



À n'en pas douter, la première des attitudes qui les plongera dans d'inextinguibles fous-rires sera notre révérence, notre idolâtrie devant les discours ineptes dont les économistes nous auront abreuvés ! Si Molière a su – ce dont je ne doute pas – rester immortel, nos distingués savants de la science économique seront divisés en deux catégories : les « Tartuffes » et les « Diafoirus ».

Les premiers, les diplômés des Hautes Écoles, professeurs émérites, premiers prix de la Banque de Suède (le « prix Nobel » d'économie est une fable) auront au moins eu la perverse élégance de ne pas croire à toutes les fariboles qui sortaient de leurs intenables équations : l'emploi prudent du conditionnel leur vaudra circonstance atténuante. Parmi leurs grotesques semblables, ces Tartuffes auront droit à l'enviable maquillage du clown supposé le plus malin : le Clown Blanc.

Mais les seconds ? Les journalistes spécialisés (!), les conseillers techniques (!!), les élus aux finances, tous ceux qui auront gobé, les yeux brillants, la langue pendante, l'indigeste brouet dont on les gavait au titre de la « science », et qui le recrachaient si télégéniquement, agrémenté de leurs si brillantes déductions personnelles, eux seuls dépositaires du savoir académique face à une plèbe ignare. Ceux-là  mériteront cent fois, pour les siècles des siècles, les guenilles ridicules de l'Auguste !

« Tout de même », penseront les historiens de ces temps prochains, « avoir confié la destinée des nations et des peuples à des clowns, la direction des banques à des jongleurs, quelle mouche les a piqués ?  Ils étaient si brillants en sciences physiques, en mathématiques !?.. »

Ils auront oublié, nos vertueux descendants, les illusions essentielles dont notre temps s'hypnotise : l'accaparement des richesses, la confiscation de l'argent, le gaspillage des matières premières, l'accumulation des privilèges jusqu'à la nausée, jusqu'à la thrombose ; et le discours qui justifiait les inégalités éhontées, le pillage, l'exploitation forcenée des hommes et des ressources naturelles :
le Discours de l'Économie !..

Et quand ils regarderont – avec le même mépris dont nous enveloppons les "savants" du moyen-âge – les dirigeants d'aujourd'hui, toujours si satisfaits, toujours si conscients de leurs erreurs et des nécessités d'en commettre de nouvelles, ils s'ébaubiront de notre patience, de notre soumission et de notre naïveté. Ils chercheront le nom des illusionnistes qui nous commandaient alors, de ces fascinateurs qui nous persuadaient de les croire encore, et encore et toujours. Ils trouveront quelques noms : De Gaulle, Mitterrand, et se disputeront la réalité historique de tant d'autres célèbres disparus, personnalités probables pour certains, mythes et légendes avérés pour la plupart.
Quant à savoir quelle trace aura laissée à la postérité un certain François Hollande, tous finiront aisément par tomber d'accord : « François Hollande n'a jamais existé ».

mercredi 23 juillet 2014

Pourquoi je ne quitte pas le Parti Socialiste...

C'est de bon aloi ces derniers temps de publier des "lettres ouvertes", histoire de se flatter d'avoir encore assez de conscience pour expliquer pourquoi l'on quitte ce parti qui chaque jour trahit nos idéaux : réformes sans cohérence ni ambition, connivence avec le MEDEF, partialité dans le conflit Israélo-Palestinien, restriction des libertés collectives, renforcement de la monarchie républicaine, incapacité à juguler le chômage, à réduire la dette, sévérité envers les doléances de gauche, oreille attentive aux libéraux europhiles... J'arrête, on va croire que j'ironise.
L'erreur est évidemment pour ces déserteurs qu'ils se trompent de "conscience" : ils la croient politique alors qu'elle n'est que morale ; or on sait bien que ces deux là ne savent cohabiter que juste après les guerres, et encore pas longtemps. En temps de paix, jamais.
Seulement, tous ces "déçus du socialisme" se trompent aussi de colère : ils croyaient avoir un "gouvernement socialiste" parce que ses membres étaient pour la plupart issus du "Parti Socialiste"! Funeste erreur, et on comprend leur désarroi : depuis le Front populaire, un gouvernement n'est jamais de gauche. Sans doute par superstition. Il tente de le faire croire, parfois, en saupoudrant ses budgets de quelques pincées de mesures sociales, mais c'est pour entretenir l'illusion, et mieux faire passer des politiques pour lesquelles personne n'a jamais voté.
Non, une fois exfiltrés du PS pour entrer au Gouvernement, les impétrants deviennent membres d'un tout autre club que celui de leur parti, où l'on débattait, où l'on doutait, où l'on expérimentait : ils appartiennent désormais au "club de ceux qui décident".
Et "ceux qui décident" sont à l'écoute de "ceux qui savent", pas de ceux qui doutent. Eh oui : imaginez une politique qui ne saurait pas où elle va, qui dirait blanc le matin, noir le midi et finalement gris le soir, pour complaire ! Quelle aubaine pour l'opposition (Oh ! Wait...)
Et donc, pour convaincre le Parti du bien fondé de ses excellentes décisions, le "club de ceux qui décident", conforté par toute l'histoire de la Ve République, exige une loyauté sans faille de ses parlementaires : "pas d'histoire, je ne veux voir qu'une tête, vous ferez comme on a dit". Bafouant par là même le principe de la démocratie parlementaire. 
Et les parlementaires, qui pour la plupart n'en sont pas à leur premier mandat, expliquent doctement que "c'est comme ça qu'il faut faire : nous sommes une armée en guerre, pas d'état d'âme, on suit les ordres du chef !"... 
Et c'est vrai que les plus capés parmi les sénateurs et les députés n'ont toujours eu qu'à se féliciter de n'avoir jamais regimbé : ils sont toujours en place !

Tout ça pour dire que oui, bien sûr, à l'évidence, un parti se doit de critiquer les options douteuses d'un gouvernement, fût-il issu de ses rangs : à quoi servirait-il sinon ? Et les députés aussi, évidemment, doivent entrer en conflit, ouvert s'il le faut, avec les ministres qui trahissent, au nom d'un prétendu "intérêt supérieur" (à qui, à quoi ?) illusoire et brumeux, l'engagement des militants et les promesses des candidats.

Les choses sont ainsi plus claires quand le gouvernement échoue : le parti, au moins, n'est pas emporté dans un maelström de reconstruction pendant dix ans ! Il faut donc que nous cessions de confondre "le parti des socialistes" avec "le gouvernement de tous les Français" : ça n'est pas la même chose.

Parce que dans le clan de "ceux qui décident", en France, en Allemagne, en Finlande, tout le monde répète les mêmes incantations creuses : "la reprise est pour bientôt" ; "il faut favoriser les entreprises puisque leurs profits d'aujourd'hui sont les emplois de demain" ; "l'augmentation des salaires crée de l'inflation et du chômage"... Des sornettes, ressassées en France par les bons élèves de l'ENA, qui les tenaient de leurs doctes enseignants, qui eux-mêmes les avaient apprises de leurs vieux professeurs. Et ainsi se reproduisent les élites...

Voilà donc pourquoi je reste au Parti Socialiste : pour montrer que la démocratie c'est le débat et l'expérimentation, non le dogme ; pour faire entrer mon pays et mon parti dans le siècle nouveau, pour les débarrasser des pesanteurs mortelles de l'ancien ; pour que les gouvernements apprennent à écouter l'intérêt supérieur des peuples, que nous connaissons mieux qu'eux puisqu'ils le discernent à peine du haut de leurs G8 et G20. Pour qu'on en arrive, un jour, à une véritable démocratie, directe (la hantise de l'abbé Sieyès !) et non représentative, puisque nos représentants finissent toujours - mimétisme ?-  par représenter davantage "ceux qui décident" que "ceux qui les ont faits rois".

Bref, je reste au Parti Socialiste pour lui donner plus de force quand le gouvernement sera enfin de gauche.

dimanche 22 juin 2014

Les aristos de la République (et comment s'en débarrasser...)

Nous aurions de bien piètres philosophes et sociologues si la plupart d'entre eux n'avaient pu identifier sans coup férir ce qui fait l'essentiel du malheur des temps : le système économique libéral.
Bien sûr, quelques pinailleurs ne manquent pas de rappeler que ce modèle est parfois efficace, qu'il peut apporter ici ou là une amélioration des conditions d'existence pour le plus grand nombre, que les statistiques montrent qu'il a permis une remarquable augmentation des richesses mondiales, produites par la conjonction du capital de certains et du travail de tous. La belle affaire !
Il n'y aurait de réel "progrès" (quoi que ce mot veuille aujourd'hui dire) que grâce à l'encadrement par l'État des flux économiques, pour en redistribuer plus largement les profits aux oubliés de la croissance. 
Le problème - ou plutôt l'autre problème - c'est que l'État confisque à lui seul un part énorme des créations de richesse réalisés par la sphère économique libérale. Et qu'il le fait sans pratiquement aucun contrôle (la Cour des comptes, qui n'a pas de bras ; le Parlement, qui n'a pas de mains ; le suffrage du citoyen, qui n'a pas d'alternative). 
Mais surtout, c'est que l'État décide souverainement de l'utilisation du bien commun, l'argent public.
• faut-il aider les endettés à conserver leur toit, ou renflouer les banques ?
• faut-il nationaliser le crédit bancaire ou acheter des actions Alstom à Bouygues ?
• faut-il verser à fonds perdu dans des énergies obsolètes ou garantir la sécurité des générations futures ?
Bizarrement, le suffrage populaire n'a aucun mot à dire dans ces questions qui engagent sa sécurité, sa liberté, sa santé, pour des décennies, des siècles, voire des millénaires.
Et tout aussi étrangement, ces décisions constituent le socle même du malheur futur des citoyens et du bien-être actuel des décideurs ! 
Ainsi, aider les citoyens endettés à rembourser leur crédit eût coûté moins cher à l'État, évitant par là même, la crise du crédit et de l'immobilier outre-atlantique. Nationaliser, même en partie, même temporairement, le crédit bancaire eût permis de lutter et contre la dette et contre la crise de l'investissement. S'engluer dans l'illusion électronucléaire ne présente aucun bénéfice pour les consommateurs, les contribuables ni les citoyens, sans parler du risque de perdre à jamais une partie du territoire... 
Pourtant c'est dans ces tonneaux percés que se trouve versé chaque jour davantage d'argent public. 
Ne nous y trompons pas : quel que soit le choix politique du peuple défini par l'élection, ces décisions seront les mêmes, et les faits sont têtus : un gouvernement issu du Parti Socialiste ne diffère que sur une très petite part du budget d'un gouvernement conservateur. Et son accompagnement du système économique libéral est identique, à epsilon près. Ce n'est donc pas le système économique le responsable.
Pour sortir de cette spirale, mortifère pour la liberté des citoyens, il faut admettre deux choses : d'abord, qu'une caste nouvelle de privilégiés, les "aristocrates républicains", contrôle l'ensemble des pouvoirs, des choix, des décisions qui engagent une part croissante des richesses produites par les citoyens. Ensuite que, si nous ne faisons rien, ce cancer social va se répandre dans l'ensemble des sphères sociétales, personnelles, privées : l'ensemble de nos droits imprescriptibles seront rognés et soumis à l'approbation qui d'un journaliste, qui d'un fonctionnaire ou d'un élu, pour le plus grand bien de ces nouveaux aristos. Et pour notre plus grand malheur.

Il serait souhaitable, pour rien moins que la paix universelle, que soit destituée cette classe nobiliaire qui se goinfre des fruits de notre travail et accessoirement nous conduit droit au précipice, donc à la guerre. En d'autre temps, la guillotine a pu aider à cette transition nécessaire. Aujourd'hui, il suffira d'être "nous-même le changement que nous voulons voir dans le monde", selon le mot de Gandhi :

• écrivons une nouvelle Constitution réduisant le champ de l'État à ce que nous ne pouvons décider qu'en tant que nation.
• exigeons de pouvoir affecter notre impôt, au moins en partie, aux ministères de notre choix : là est la vraie démocratie.
• quittons progressivement cette "démocratie représentative", constitutive d'une aristocratie républicaine, pour la démocratie directe que permettent désormais les techniques numériques.
• donnons à chaque citoyen la possibilité d'exercer un et un seul mandat, par l'élection ou le tirage au sort.
• dotons-nous de la possibilité de révoquer tout membre du personnel politique qui outrepasserait ses prérogatives.
• et érigeons : la liberté comme principe intangible de notre Loi commune ; liberté de penser, de faire, et d'être tout ce qui ne nuit pas à autrui. L'égalité des droits et devoirs comme socle du bien vivre ensemble. La fraternité comme horizon commun.

Peut-être faudra-t-il, finalement, juger et emprisonner quelques banquiers ou politiques, comme cela se fait dans des pays plus courageux que le nôtre ; mais ce sera évidemment à la marge, et pour l'édification de toutes et tous !




dimanche 1 juin 2014

Hollande, le pays bas


Il reste entre six et huit mois à François Hollande pour nous sortir — et se sortir, par la même occasion — du pétrin où nous sommes ensemble fourrés.
Au-delà de trois ans d'exercice, on le sait, le quinquennat n'a plus beaucoup de ressort et l'ensemble de l'appareil politico-administratif est tout entier tourné vers la présidentielle. Sans parler du cirque médiatique qui ne pense qu'au spectacle.
Quelle connerie, le quinquennat !

Comment allons-nous, collectivement, reprendre goût à la vie ? 
Parce que c'est ça que nous avons perdu : le goût de vivre ensemble. Les Verts ne veulent parler qu'aux écologistes, le FN qu'aux Français "de souche", les socialistes qu'à Jaurès, Mélenchon qu'à l'Histoire, Hollande qu'aux agences de notation et l'UMP qu'au MEDEF.
Mais qui parlera aux citoyens ? Aux abstentionnistes ? Aux peuples de France ?
Qui va rendre confiance et enthousiasme aux jeunes diplômés qui se tirent avec leur bagage ?
Qui redonnera fierté et courage aux jeunes sans diplôme mais pas sans talents ?
Le F.N ?
"La jeunesse", priorité du candidat Hollande en 2012...
Sept mois après l'élection, Emmanuel Todd écrivait : "Dans cinq ans, Hollande sera un géant ou un nain". Disons qu'aujourd'hui, son costard n'est pas sur le point de craquer.
Mais “ ensemble tout est possible ” disait Sarkozy, qui s'y connait en politique. On peut espérer que la dette se réduira un jour, et que le chômage finira enfin par refluer. Mais dans les huit mois qui viennent ?..
Que reste-t-il alors comme options ? La Ve république n'en offre que de mauvaises : démission, dissolution, cohabitation, flagellation, auto-persuasion ou continuation. La dépression comme remède à la déprime.
Restent la Révolution... et le changement de Constitution.
J'avoue mon peu de goût pour le sang, la violence, les règlements de comptes et les épurations.
Mais changer la Constitution !..
Changer de paysage, d'horizon politique ! Rapprocher la décision de celles et ceux à qui elle s'applique, voter pour des représentants qui nous ressemblent, risquer un trait de proportionnelle, élire un Président (ou un Roi, un Empereur, un Chamane...) qui n'ait qu'une fonction symbolique et laisse le pouvoir réel se partager entre les collectivités et l'État, entre les citoyens et le Parlement, entre l'État et l'Europe...
Une Constitution moderne, un régime parlementaire, avec un Gouvernement issu de la représentation nationale, et un chef de gouvernement ayant obtenu, par une campagne électorale, la confiance des citoyens...

Voilà, François : si le bien-être de tes concitoyens te préoccupe davantage que les froncements de sourcils des marchés financiers, il va te falloir mettre un terme à la monarchie !
Et puis, on dit que tu manques de courage, tu imagines ? Un référendum !
La VIe République !

Tu gagnes, tu es un cador pour l'éternité : des fusées porteront ton nom.
Tu perds, tu as osé le pari le plus difficile depuis de Gaulle : ton nom sera à jamais synonyme d'audace, de témérité, de brav... oure ! Quelle sortie, quel panache !

C'est le choix qui te reste si les indicateurs ne s'inversent pas d'ici la fin de cette année.
Sinon, l'Histoire t'a déjà réservé, comme à ton prédécesseur,  une place de choix sur son grand écran, en bas, à droite :
la poubelle.