J'aurais donc, dans ma
vie, voté deux fois à droite : la première en 95, pour faire
barrage à Le Pen, et la seconde en 2012, pour me débarrasser d'Al Capone !
Sauf que la première
fois c'était la mort dans l'âme mais en connaissance de cause ; la seconde, ce fut par entourloupe, en croyant bêtement voter à gauche !
Vingt-neuf mois plus tard, mon erreur est patente : non
seulement le programme du candidat de gauche n'a pas été mis en
œuvre mais les timides avancées sociales promises par son
gouvernement vont rejoindre l'interminable cortège de mes illusions
perdues !
« Y a-t-il une
fatalité à ce que la gauche ne puisse gouverner ce pays ? »
demandait, lucide, Michel Rocard un soir de 1974, après la défaite
de Mitterrand. On serait aujourd'hui tenté de lui répondre oui.
Parce que, quand même :
• autoriser les chefs
d'entreprises et leur actionnariat à puiser dans 50 milliards
d'argent public présomptif pour en faire ce que bon leur semblera,
• éviter, pour ne pas
effrayer le bourgeois, de trop hâter la récupération de 80
milliards de fraude fiscale,
• évoquer l'allongement du
temps de travail comme piste possible de réduction des déficits
(en gros « travailler plus pour gagner moins »),
• coller un Kerviel en
prison, plutôt que plusieurs Pierre Richard (le banquier, pas le
comédien),
• reculer sur l'encadrement
des loyers (que vaut une promesse de campagne ?),
• diminuer les dotations
aux collectivités, qui participent pour 75% de l'investissement
public,
• envisager d'étrangler
les intermittents du spectacle, donc de tarir la création
culturelle,
• s'interdire de débattre
– ce que même les Américains ont accepté ! - d'une remise en
question de la prohibition, qui rapporte au Trésor du Colorado
et y fait en même temps chuter la criminalité !
Bon, j'arrête là, le souffle me manque.
Bon, j'arrête là, le souffle me manque.
Si on ne fait que regarder crûment les faits, on peut affirmer, sans défaitisme aucun, que la gauche n'y est pas, que le socialisme n'y est plus. Est-ce une telle surprise ? Après tout, notre monarchie républicaine permet au souverain à peu près toutes les contorsions politiques, tous les renoncements idéologiques, tous les aggiornamenti possibles : ce n'est donc pas une découverte.
Mais surtout :
Entendre un Premier
ministre imputer à celle qu'il voulait nommer n° 2 de son
gouvernement la chute de la construction de logements neufs, alors
que tous les graphes montrent exactement la même tendance dans les
pays voisins, depuis 2008... Y aurait-il une sorte de boucle
temporelle provoquant des catastrophes législatives AVANT que les
ministres soient nommés et que leurs lois néfastes soient promulguées ? Et également, dans cet étrange univers médiatico-politique, une onde spatiale qui étendrait
leur incurie nationale à TOUS les autres pays d'Europe ?.. Je pencherais davantage pour l'hypothèse de
la simple mauvaise foi, plus scientifique, bien que les media répugnent à
l'évoquer : ni autocritique, ni lèse-majesté...
Et enfin, le comble :
Notre nouveau ministre de
l'Économie, le jeune, le fringant, le surdoué, philosophe, esthète (!), chouchou, hémisphère
droit d'Hollande qui vient d'annoncer... la fin de la République !
« L'autre politique
est donc un mirage » ; « le sérieux budgétaire et
la restauration de notre compétitivité sont la seule voie
possible » ; « les dissensions au sein du
gouvernement et de la majorité posent un gros problème : elles
provoquent de l'incertitude »...
Mais bon sang, mais oui, au fait : quelle horreur que l'incertitude, ne pas savoir de quoi demain sera fait... Bannissons l'incertitude !
Mais bon sang, mais oui, au fait : quelle horreur que l'incertitude, ne pas savoir de quoi demain sera fait... Bannissons l'incertitude !
Voilà donc résumée en d'autres mots une maxime célèbre qu'on aurait voulu recouverte du même linceul que celle qui la proféra : « il n'y a pas
d'alternative ! », phrase définitive de Margaret Thatcher
qui annonçait la fin de la politique, l'inutilité du débat, la
mort des partis : puisqu'il n'y a qu'une politique possible, alors, à
quoi bon aller voter ?
Épître aux socialistes et aux électeurs de gauche, par Manuel Valls n°2 :
"La République
est un chien crevé sous un meuble."