samedi 30 août 2014

L'arnaque

J'aurais donc, dans ma vie, voté deux fois à droite : la première en 95, pour faire barrage à Le Pen, et la seconde en 2012, pour me débarrasser d'Al Capone !
Sauf que la première fois c'était la mort dans l'âme mais en connaissance de cause ; la seconde, ce fut par entourloupe, en croyant bêtement voter à gauche ! 
Vingt-neuf mois plus tard, mon erreur est patente : non seulement le programme du candidat de gauche n'a pas été mis en œuvre mais les timides avancées sociales promises par son gouvernement vont rejoindre l'interminable cortège de mes illusions perdues !
« Y a-t-il une fatalité à ce que la gauche ne puisse gouverner ce pays ? » demandait, lucide, Michel Rocard un soir de 1974, après la défaite de Mitterrand. On serait aujourd'hui tenté de lui répondre oui.
Parce que, quand même :
• autoriser les chefs d'entreprises et leur actionnariat à puiser dans 50 milliards d'argent public présomptif pour en faire ce que bon leur semblera,
• éviter, pour ne pas effrayer le bourgeois, de trop hâter la récupération de 80 milliards de fraude fiscale,
• évoquer l'allongement du temps de travail comme piste possible de réduction des déficits (en gros « travailler plus pour gagner moins »),
• coller un Kerviel en prison, plutôt que plusieurs Pierre Richard (le banquier, pas le comédien),
• reculer sur l'encadrement des loyers (que vaut une promesse de campagne ?),
• diminuer les dotations aux collectivités, qui participent pour 75% de l'investissement public,
• envisager d'étrangler les intermittents du spectacle, donc de tarir la création culturelle,
• s'interdire de débattre – ce que même les Américains ont accepté ! - d'une remise en question de la prohibition, qui rapporte au Trésor du Colorado et y fait en même temps chuter la criminalité !
Bon, j'arrête là, le souffle me manque.

Si on ne fait que regarder crûment les faits, on peut affirmer, sans défaitisme aucun, que la gauche n'y est pas, que le socialisme n'y est plus. Est-ce une telle surprise ? Après tout, notre monarchie républicaine permet au souverain à peu près toutes les contorsions politiques, tous les renoncements idéologiques, tous les aggiornamenti possibles : ce n'est donc pas une découverte.
Mais surtout :
Entendre un Premier ministre imputer à celle qu'il voulait nommer n° 2 de son gouvernement la chute de la construction de logements neufs, alors que tous les graphes montrent exactement la même tendance dans les pays voisins, depuis 2008... Y aurait-il une sorte de boucle temporelle provoquant des catastrophes législatives AVANT que les ministres soient nommés et que leurs lois néfastes soient promulguées ? Et également, dans cet étrange univers médiatico-politique, une onde spatiale qui étendrait leur incurie nationale à TOUS les autres pays d'Europe ?.. Je pencherais davantage pour l'hypothèse de la simple mauvaise foi, plus scientifique, bien que les media répugnent à l'évoquer : ni autocritique, ni lèse-majesté...
Et enfin, le comble :
Notre nouveau ministre de l'Économie, le jeune, le fringant, le surdoué, philosophe, esthète (!), chouchou, hémisphère droit d'Hollande qui vient d'annoncer... la fin de la République !
« L'autre politique est donc un mirage » ; « le sérieux budgétaire et la restauration de notre compétitivité sont la seule voie possible » ; « les dissensions au sein du gouvernement et de la majorité posent un gros problème : elles provoquent de l'incertitude »...
Mais bon sang, mais oui, au fait : quelle horreur que l'incertitude, ne pas savoir de quoi demain sera fait... Bannissons l'incertitude !
Voilà donc résumée en d'autres mots une maxime célèbre qu'on aurait voulu recouverte du même linceul que celle qui la proféra : « il n'y a pas d'alternative ! », phrase définitive de Margaret Thatcher qui annonçait la fin de la politique, l'inutilité du débat, la mort des partis : puisqu'il n'y a qu'une politique possible, alors, à quoi bon aller voter ?

Épître aux socialistes et aux électeurs de gauche, par Manuel Valls n°2 :
"La République est un chien crevé sous un meuble."

vendredi 15 août 2014

En finir avec l'hypertélie ?

Nous vivons dans une société devenue hypertélique. Ne pas le voir, ne pas l'admettre, ne pas en prendre la mesure, c'est se diriger doucement mais sûrement vers la disparition.
Il y a 70 ans, nous étions, en Europe, en manque de tout : il fallait en même temps reconstruire des réseaux, des logements, des hôpitaux, des usines, des fermes ; nous devions aussi nourrir des affamés, éduquer des sauvageons, soigner des blessés, des malades, former des fonctionnaires...
Et nous avons fait tout ça, à marche forcée, sans réfléchir, simplement parce que "nécessité fait loi".
Les USA nous ont exporté leur modèle économique productiviste (agricole et industriel), leurs capitaux, leur culture, en un mot leur mode de vie. Et c'est ce dont nous avions besoin pour redevenir un pays riche, confiant, capable de subvenir à ses besoins, de croire en son avenir et de rembourser ses dettes. Tout ça était donc nécessaire.
Mais quatre développements techniques majeurs ont explosé au cours de cette première décennie de paix – entre 1945 et 1955 – dont nous n'avons pas clairement perçu les implications, donc pas correctement analysé les conséquences futures :

• l'accès aux forces nucléaires
• l'accès à l'ADN
• l'accès au carbone souterrain
• l'accès à la synthèse moléculaire

Ces quatre nouveaux pouvoirs ont changé le monde à jamais en faisant disparaître toute possibilité de retour en arrière : jusque là, toute erreur, tout excès d'une génération pouvait être corrigé par la ou les générations suivantes. Aucune conséquence dramatique ne mettait en danger l'espèce humaine.

La prolifération des radiations, la dissémination génétique, la pollution atmosphérique, la dispersion des molécules synthétiques engagent désormais chaque génération dans des décennies de puissance et des centaines de siècles d'impuissance ! C'est au cours de cette décennie, maudite par certains aspects, bénie par d'autres, que l'irréversible est entré dans l'histoire. C'est à ce moment singulier que vont se développer, par antinomie, les racines du "développement durable".

Ce qui était jusque là nécessaire a été poursuivi à l'identique, au-delà du rationnel, sans même imaginer que la croissance pourrait un jour atteindre une limite : nous nous sommes alors dirigés vers une hypertélie de l'activité, qui fut fatale à tant d'autres avant nous. 
Qu'est-ce que l'hypertélie ? C'est "l'excès du développement d'un organe par rapport à ses fonctions normales". Par exemple, les défenses du mammouth lui permettaient de fouir, de creuser le sol, de déplacer des charges. Elles ont continué à pousser, puis à s'enrouler jusqu'à devenir inutilisables, pesantes, gênantes. 
Ce qui était utile et efficace est devenu une imperfection, une infirmité, un handicap. 
C'est le cas de notre système économique.

Les fonctions normales de l'économie consistaient à "satisfaire les besoins". Aujourd'hui, l'économie hypertélique se développe en soi et pour soi, sans plus aucun rapport avec les besoins réels des populations : on créé d'abord tout ce qui est techniquement possible, on créé ensuite les conditions de vente et d'achat de ce qui est apparu sur le "marché". On exploite, puisque c'est efficace ; on dévaste, puisqu'il faut faire vite ; on ment, puisque ça rapporte. 

Il est devenu impossible d'arrêter ce Moloch qui dévore tout sur son passage. Comment pourrait-on dire "halte à la croissance" dans un monde tellement inégalitaire que seule l'illusion de la croissance maintient l'illusion du progrès ? Les écologistes, qui ne disposent d'aucun levier politique ou économique, continueront à crier dans le désert, les jeunes traders à vendre des monstres mathématiques pour nourrir leur Porsche en carbone fossile, les producteurs d'huile à détruire les forêts et les espèces animales, jusqu'à l'effondrement.

Après, dans un ou dix siècles, quand toutes les ressources auront été consommées, recyclées, re-consommées, quand il sera devenu impossible d'émigrer sur Mars ou de boire l'eau des ruisseaux, peut-être quelque nouvelle espèce intelligente saura réintégrer la biosphère, la réparer, la soigner et vivre en paix avec elle. 
Pourvu qu'alors subsiste le souvenir de notre échec, pour vacciner ces lointains descendants contre les "excès du développement", contre "l'idéologie de la croissance", et contre les mensonges mortels des "économistes".

mercredi 13 août 2014

" François Hollande n'existe pas ! "

Rien n'interdit aux commentateurs politiques - ni d'ailleurs aux militants d'un quelconque parti – de quitter l'analyse brûlante de l'actualité pour se projeter dans cet exotique avenir que nous espérons radieux, ou tout au moins pacifique.
Que penseront de nous nos descendants dans un ou deux siècles ? Que diront-ils du monde que nous leur aurons légué ? De quelles énormités, qui nous semblent aujourd'hui si indubitables et documentées, si « scientifiques », se moqueront-ils ? Quelles seront les pédantes casuistiques et scolastiques dont ils se gausseront, eux, les « modernes » quand nous serons relégués dans leur lointain moyen-âge ?



À n'en pas douter, la première des attitudes qui les plongera dans d'inextinguibles fous-rires sera notre révérence, notre idolâtrie devant les discours ineptes dont les économistes nous auront abreuvés ! Si Molière a su – ce dont je ne doute pas – rester immortel, nos distingués savants de la science économique seront divisés en deux catégories : les « Tartuffes » et les « Diafoirus ».

Les premiers, les diplômés des Hautes Écoles, professeurs émérites, premiers prix de la Banque de Suède (le « prix Nobel » d'économie est une fable) auront au moins eu la perverse élégance de ne pas croire à toutes les fariboles qui sortaient de leurs intenables équations : l'emploi prudent du conditionnel leur vaudra circonstance atténuante. Parmi leurs grotesques semblables, ces Tartuffes auront droit à l'enviable maquillage du clown supposé le plus malin : le Clown Blanc.

Mais les seconds ? Les journalistes spécialisés (!), les conseillers techniques (!!), les élus aux finances, tous ceux qui auront gobé, les yeux brillants, la langue pendante, l'indigeste brouet dont on les gavait au titre de la « science », et qui le recrachaient si télégéniquement, agrémenté de leurs si brillantes déductions personnelles, eux seuls dépositaires du savoir académique face à une plèbe ignare. Ceux-là  mériteront cent fois, pour les siècles des siècles, les guenilles ridicules de l'Auguste !

« Tout de même », penseront les historiens de ces temps prochains, « avoir confié la destinée des nations et des peuples à des clowns, la direction des banques à des jongleurs, quelle mouche les a piqués ?  Ils étaient si brillants en sciences physiques, en mathématiques !?.. »

Ils auront oublié, nos vertueux descendants, les illusions essentielles dont notre temps s'hypnotise : l'accaparement des richesses, la confiscation de l'argent, le gaspillage des matières premières, l'accumulation des privilèges jusqu'à la nausée, jusqu'à la thrombose ; et le discours qui justifiait les inégalités éhontées, le pillage, l'exploitation forcenée des hommes et des ressources naturelles :
le Discours de l'Économie !..

Et quand ils regarderont – avec le même mépris dont nous enveloppons les "savants" du moyen-âge – les dirigeants d'aujourd'hui, toujours si satisfaits, toujours si conscients de leurs erreurs et des nécessités d'en commettre de nouvelles, ils s'ébaubiront de notre patience, de notre soumission et de notre naïveté. Ils chercheront le nom des illusionnistes qui nous commandaient alors, de ces fascinateurs qui nous persuadaient de les croire encore, et encore et toujours. Ils trouveront quelques noms : De Gaulle, Mitterrand, et se disputeront la réalité historique de tant d'autres célèbres disparus, personnalités probables pour certains, mythes et légendes avérés pour la plupart.
Quant à savoir quelle trace aura laissée à la postérité un certain François Hollande, tous finiront aisément par tomber d'accord : « François Hollande n'a jamais existé ».