mercredi 14 novembre 2018

La tectonique des classes



Eût-il accepté de lâcher quelques pouces du pouvoir, Louis XVI pouvait conserver la tête du pays et par conséquent la sienne.

Mais cela lui fut impossible, prisonnier qu'il était du dogme catho-monarchique, lui, l'élu  de Dieu sur Terre. Pour n'avoir pas été plus souple face à la grogne, à la vindicte, puis à la haine qui montait du peuple, des gueux qui ne voulaient qu'une constitution ont fini par exiger la république ; et sa tête.

Deux siècles après les Deo-monarchistes, les libéro-Macronistes font aujourd'hui la même erreur : il s'entêtent quand il faudrait reculer, s'arc-boutent quand il faudrait plier, ils persistent quand tout leur montre qu'ils sont dans l'erreur ! Ils passent outre, oubliant qu'ils ne sont gonflés que de leur propre  suffisance.

Subiront-ils le même sort que la noblesse d'ancien régime ? Il est tentant de le croire tant les mêmes causes produisent les mêmes effets : faire une pause, faire un pas, faire un geste pouvait éviter le glissement vers la Terreur. Le roi ne l'a pas voulu, certain qu'il était de son absolu "droit divin".

Macron ne le veut pas non plus : héritier d'un libéralisme tout aussi absolu, élu du Marché, égal de Jupiter, il croit son destin gravé dans l'or de la BCE. Il ne peut pas échouer puisqu'il ne réussit rien ; il a raison puisque tout indique qu'il se trompe ! Il sera vainqueur puisque le peuple veut sa défaite...

Les grands bourgeois, les aristocrates — de charge, de naissance, de mérite — croient toujours que leur bonne fortune est une grâce qui brille sur leur front parce que des fées se sont penchées sur leur berceau. Qu'en quelque sorte, ils sont bénis. Que les anges du business les protègent.

Ils ignorent, ou ne veulent pas voir, que les sociétés humaines sont des océans furieux de magma en fusion sur lesquels sont ballottées des classes sociales antagonistes, toujours en sursis, qui s'entrechoquent parfois jusqu'au naufrage.

Une "tectonique" des classes, en tout point semblable à celle qui permit à Wegener de comprendre les tremblements de terre, les tsunamis, le surgissement des chaines de montagnes ; les éruptions volcaniques.

En temps normal, dans une société apaisée, où sont ensemble possibles le dialogue et la promotion sociale, ces classes tectoniques se font face mais ne s'affrontent pas : elles s'ajustent et, quand à cause d'aspérités inattendues, elles s'accrochent, elles utilisent  les vertus médicinales d'un onguent apaisant qui a fait ses preuves : la négociation.
Après tout, dans ces sociétés, c'est le peuple qui gouverne : il est donc légitime à se révolter si ses représentants le conduisent vers l'abime.

Macron ne négociera pas. Il donnera des ordres et viendra à la télévision nous dire ce qu'il en pense. Ce qu'il pense de nous. De notre bêtise ; de notre incapacité à comprendre son génie, à deviner le monde merveilleux qu'il construit. Pour lui, et pour le Marché. Uniquement.

Donc, les classes vont s'affronter, une fois encore. La classe minoritaire, savante, structurée, fera bloc et ne cédera pas un pouce face à la multitude, indolente, velléitaire, anarchique, qui poussera, poussera, et peu à peu se constituera, s'agglomérera, se solidifiera, pour finalement pulvériser dans un puissant séisme le mur de privilèges qui l'empêchait d'avancer.
(La classe la moins nombreuse disparaîtra dans les tréfonds de son entêtement. Ce que fera ensuite l'autre classe dépendra de sa propre lecture de l'histoire : un nouveau système de domination, une société sans classes ?)

Cette scène s'est déjà produite, plusieurs fois, au cours de l'histoire ! Et si l'on veut éviter un carnage, une nouvelle terreur, la tête d'un Monarc au bout d'une pique — ou bien le retour à l'ordre moral Deo-monarchiste ! — il serait bon que tout le monde revienne, rapidement, à des raisonnements plus démocratiques ; plutôt qu'à des sentiments plus chrétiens.



1 commentaire:

  1. Belle analyse, et comme dit un de mes amis de rond-point "Plus la digue tiendra et plus la vague sera haute !"

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