dimanche 9 février 2020

La Gauche se meurt...

Il faudra un jour faire l'historique de la dégénérescence de la Gauche française, pour établir comment elle en est venue à finalement préférer défendre des bigots fascistes contre Mila, une adolescente athée et rebelle.

L'origine de cette déchéance abjecte est à chercher dans son arrogance immense à se croire ontologiquement fondée à exercer le magistère du "bien" absolu : sa mission, forcément sublime, libératrice, émancipatrice, ne pouvait que s'accompagner de raisonnements incontestables, d'actions hautement morales et d'une altitude intellectuelle inaccessible au vulgaire ; cette arrogance, cette vanité qui lui permettaient de se proclamer "le sens de l'histoire" ! En cela, cette Gauche sentait le messianisme... Le problème, c'est que l'histoire n'a aucun sens !

Arriva, un jour - pourtant issu de ses propres calculs stratégiques ! - l'exact contraire de ce à quoi la Gauche se croyait destinée : le Front National.

Là où elle se déclarait internationaliste, il voulait fermer les frontières ; là où elle était ouverte et accueillante, il souhaitait limiter l'immigration et le droit d'asile ; là où elle débordait de générosité, il entendait conditionner ses largesses et les réserver au peuple français.

Trop heureuse d'avoir scindé la Droite, la Gauche oublia d'envisager l'inéluctable retour du balancier et engrangea un temps les victoires électorales. L'ivresse du succès balaye les doutes et émousse l'intelligence. Cette gauche triomphante - enfin ! - cessa d'analyser la dynamique électorale qui gonflait le FN, ce qui précipita sa conversion au manichéisme politique : puisqu'elle était le "bien", le FN était forcément le "mal".

On ne négocie pas avec le mal, on le combat, on le détruit ; du moins, selon la morale religieuse. Incapable de contrôler sa créature, la Gauche lui tourna le dos, la décréta "antirépublicaine", la méprisa, et voulut circonscrire l'infection virale derrière un "cordon sanitaire" - empruntant ainsi à l'extrême-droite sa conception biologisante de la société...

On décida ainsi que parler d'immigration, ce serait "faire le jeu du FN".
Et le FN progressa.
Que s'occuper prioritairement des français en souffrance, c'était "faire le jeu du FN".
Le FN progressa.
Que s'inquiéter des territoires perdus de la République, c'était "faire le jeu du FN".
Le FN progressa... 

Mais ne pas débattre avec le FN, n'était ce pas se couper de son électorat ? N'était-ce pas éviter de réfléchir à ses thématiques, ce qui eût permi d'inventer des solutions socialement acceptables, de gauche, à la place des simplifications démagogiques du Front National (aujourd'hui "Rassemblement National") ?

On parvint ainsi à une telle inversion des principes que défendre les valeurs de la République devint une forme de racisme, affirmer la laïcité devint du colonialisme, invoquer l'universalisme, de la xénophobie, combattre l'Islamisme - une idéologie pourtant clairement totalitaire - du fascisme !

Désertant ce qui faisait son socle progressiste, la Gauche abandonna en rase campagne une part de son propre électorat, socialo-communisto-prolétarien, furieux de la béance entre son discours et ses actes. Le FN prospéra sur cette friche.

Ainsi, commençant à perdre du terrain, il fallut au camp du Bien se chercher un électorat de substitution, une nouveau peuple opprimé à qui vendre ses salades émancipatrices. Elle le trouva dans les banlieues, dont jusque là elle n'avait eu que faire. À coup de "Touche pas à mon pote", elle crut combattre le FN par des slogans clinquants et médiatiques.
Le FN prospéra.

Dès lors, La Gauche ne voulut plus entendre la voix du prolétariat souffrant, trop "populiste" à son goût, voix couverte par les sirènes du show-biz multiculturel ; prolétariat qui se tournait de plus en plus, à chaque élection, vers le Front national. Elle lui abandonna non seulement le petit peuple, mais des pans entiers de politique culturelle et sociétale. Elle s'amputa elle-même de sa mission originelle : secourir les plus méprisés, offrir l'égalité des chances, instruire les moins éduqués.

Passée à l'économisme libéral - "il n'y a de politique qu'économique !" - oubliant le culturel, la lutte des classes et tout Karl Marx, pour valoriser l'Entrepreneuriat, c'est à dire la Bourgeoisie, la Gauche se réveilla un beau matin au milieu d'un champ de ruines : deux fois en quinze ans le FN lui avait grillé la politesse du second tour aux présidentielles !

Elle s'offrit même le ridicule de produire le seul président sortant qui, incapable de défendre quoi que ce soit de son bilan, fut contraint à ne pas se représenter ! Poussé vers la sortie par ses commanditaires, il s'en retourna dans son terrier, bourses vides mais portefeuille bien garni.

Une erreur d'analyse ne vient jamais seule. Plutôt que renouer avec son électorat natif, la Gauche s'en éloigna encore davantage : il était impie ? Elle se fit bigote ; il était inculte ? Elle se fit cuistre et jargonnante : "woke" ; il était pauvre ? Elle installa un banquier à l'Élysée.

Celui-ci, parvenu au sommet de l'État, n'eut rien de plus urgent que de le dissoudre.
De facto, il dissolvait la Gauche !

Ayant refusé de comprendre, de débattre, de composer avec l'électorat qu'elle avait déçu, trahi, auquel elle avait menti, la gauche mourut politiquement. Il n'en resta que les lambeaux idéologiques, ici un peu plus écologistes, là-bas un peu plus sociaux, paralysés partout par les traités ultra-libéraux de l'Union des Républiques Sociodémocrates Européennes (URSE).

Aujourd'hui exsangue de son universalisme, de son élan vers le progrès moral et social de l'Humanité, vers l'extension des libertés individuelles et le retour de la souveraineté populaire, la Gauche est grabataire, sénile, et radote deux ou trois vieilles formules auxquelles personne ne croit plus. Là ou s'exprime la volonté du peuple, elle ne lit plus "démocratie" mais "populisme". Là où les forces vives du pays dénoncent la nouvelle inquisition islamiste qui piétine la laïcité, elle gémit "racisme !" par réflexe. 
Là où les féministes sont battues et emprisonnées pour oser lutter contre le patriarcat, elle bafouille "liberté des femmes à refuser la liberté"...

Il ne lui reste en effet que cette dernière carte à jouer pour ne pas sombrer dans les eaux glacées du calcul électoral, qui stagne à moins de 5% des suffrages exprimés : défendre des bigots fanatisés, homophobes, misogynes, violents, les plus opposés aux valeurs fondatrices de la gauche, les plus menaçants pour la république...

La Gauche se meurt... la Gauche est morte ?

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