mardi 14 avril 2015

"Le chef a toujours raison !"


Où l'on constatera que l'archaïque n'est pas celui qu'on croit.
C'est Manuel Valls qui avait lancé ce mot pour dénigrer les "éclaireurs" socialistes, selon le principe "celui qui le dit, c'est celui qui y est", qui fleure bon sa cour de récréation. 
Creusons un peu le concept :
Il serait archaïque de se souvenir d'où l'on vient ? De vouloir conserver aux mots leur signification ? De tirer les leçons du passé pour ne pas en reproduire les échecs ?
Sûrement pas. 
Ce qui serait archaïque, c'est de vouloir, par exemple, rétablir pour nos enfants le monde du travail tel qu'il était au 19e siècle selon les principes, disons "libéraux", qu'un Adam Smith avait établis un siècle avant : peu ou pas de protection sociale, toute puissance du patronat, égoïsme comme moteur du progrès.
Et surtout, surtout, "la morale chrétienne" comme ciment social : charité pour les pauvres, crainte de Dieu et primes au mérite pour les autres.
J'ai eu beau chercher, je n'ai rien trouvé de tel chez les "éclaireurs".
Alors que paradoxalement nombre de déclarations de Manuel Valls et de ses ministres semblent, elles, aller dans ce sens : les salariés seraient "trop protégés", il faudrait des "formations théologiques" à l'université, les jeunes français devraient "souhaiter devenir milliardaires"... 

C'est ici que, personnellement, je vois poindre l'archaïsme : un certain retour à la vieille pensée bourgeoise de Guizot ("enrichissez-vous !") ou de Thiers ("un peuple instruit est ingouvernable."). Ces deux là feraient passer Jaurès et Guesde pour les frères Bogdanov !

Être socialiste, je le rappelle, c'est ne pas se satisfaire du monde tel qu'il va. 
Mais qui sait où va le monde ? Personne !

La droite nous serine qu'il va vers l'horizon radieux de l'économie libérale mondialisée. Et donc qu'il faut le plus vite possible adapter notre pays aux structures imposées par l'avenir : dérégulation économique et financière, compression des salaires, protection sociale individuelle. C'est là sa façon de ne pas faire de politique : expliquer que l'avenir est déjà écrit, qu'il n'y a donc "qu'une seule politique possible" (bullshit : tout bon philosophe sait qu'il n'existe pas de "causes finales" !).

À gauche, on a toujours pensé l'exact contraire : l'avenir dépendant de forces sociales en mouvement, il faut déterminer démocratiquement vers quelle société nous voulons aller et nous donner les moyens, par les orientations politiques, par les lois et les règlements, par la puissance collective de l'État, d'y parvenir. Il s'agit bien de fixer un cap et de manœuvrer pour l'atteindre, de travailler à construire un avenir partagé. Il y a mille caps, donc mille politiques possibles.

Mais nos démocraties, momentanément hypnotisées par l'opulence d'une néo-noblesse, ont divinisé quelques oligarques qui déterminent désormais seuls la direction à prendre : celle de la fortune, de leurs intérêts privés, disons de leurs "privilèges" : il n'y a plus d'intérêt général puisque les media ont cessé d'en parler !

Alors quand des socialistes se souviennent qu'ils sont de gauche, qu'il leur incombe de revitaliser la démocratie comateuse contre "l'économie parvenue à un statut de souveraineté irresponsable", contre les privilèges éhontés de quelques ploutocrates, contre la pensée unique distillée par les Diafoirus de l'économie, ce serait leur faire un bien mauvais procès que de les traiter d'archaïques : ce n'est pas eux qui souhaitent bâtir un avenir sorti du formol rétro-futuriste à la Jules Vernes !

Moralité :
Quand les éclaireurs montrent la lune socialiste, les socio-libéraux regardent le doigt qui compte les billets.

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