mardi 7 avril 2015

Les religions, ces ennemies de la République


Il existe une ligne au delà de laquelle, magiquement, le monde réel n'existe plus qu'à moitié. 
Une ligne qui sépare dramatiquement les humains en deux catégories. Cette ligne se trouve partout dans le monde et tout ceux qui souhaitent, pour des raisons qui leurs sont propres, nier tout ou partie du monde réel savent où la trouver et comment la franchir.
En deçà de cette ligne,  les groupes sociaux, le monde, l'univers, sont régis par des lois explicites, pas forcément toutes clairement formulées, mais accessibles à l'intelligence et à la logique. De ce côté de la ligne, "l'intermonde" – pour parler comme Sartre – y est commun, partagé : un fait a des causes et des conséquences manifestes, mesurables, compréhensibles. Tout le monde peut s'en saisir, en débattre, tenter de les préciser ou de les réfuter. Rien, de ce côté, n'est inaccessible à notre faculté de compréhension. Et la meilleure preuve en est que nous avons réussi à découvrir et à interpréter des principes extrêmement subtils, des objets extrêmement ténus, invisibles, à la limite de l'existence sensible, et que nous sommes parvenus à insérer ces objets, ces principes, dans notre compréhension du monde, à leur trouver une place dans le grand livre de la connaissance sans qu'il s'écroule. 
Mais, au-delà de cette ligne, tout devient incertain et flou. Une chose y est possible et aussi son contraire. Les faits ont des causes cachées, inconnues ou différentes selon les témoins, et peuvent déclencher des conséquences qu'il ne nous appartiendra jamais de comprendre. 
Cet au-delà de la ligne est le refuge de celles et ceux qui veulent ne jamais se tromper, faute d'admettre la possibilité de l'incertitude, ou pire, de l'absurdité : au-delà de cette ligne, tout ce qu'ils croient peut devenir vrai. Mais également, tout ce qui est vrai peut devenir faux, puisque tous ne disposent pas des mêmes modalité d'explication.
C'est évidemment de la ligne virtuelle créée par la foi dont je veux parler.
Cette ligne est une rémanence, un écho du monde de l'enfance, que les expériences de l'âge adulte n'ont pas été capables d'abolir : des terreurs nocturnes, un déficit de connaissances, une loyauté excessive au modèle familial, une affectivité fragilisée, une curiosité réduite, il existe un grand nombre de facteurs déclencheurs à cette persistance des fantômes, des anges et des monstres de l'enfance !
Ce qui est dramatique avec cette ligne, c'est qu'elle rend ceux qui la franchissent inaccessibles au "principe de réalité" et donc à un monde partagé : elle place en effet une partie de l'univers à l'abri de toute rationalité, de toute explication, de tout savoir. Un drame atroce ? "Dieu l'a voulu". Une injustice abominable ? "Les voies du seigneur sont impénétrables". Des souffrances inhumaines ? "In nomine Patris..." 
Ce monde au-delà de la ligne vit à l'abri des explications et des responsabilités : finalement, si je suis un assassin, n'y ai-je pas été poussé par une force diabolique ou au contraire pour faire le bien, conformément à la volonté inconnaissable du tout-puissant ? On se place ainsi au-delà de tout jugement, de toute condamnation. Le monde d'au-delà de la ligne est un refuge contre la connaissance humaine et contre la justice des hommes.
Deux choses sont susceptibles d'effacer cette ligne qui met en danger l'avenir de l'humanité en limitant ses progrès : l'éducation et la laïcité
L'éducation en donnant les outils conceptuels et culturels – particulièrement aux jeunes filles – permettant de quitter une fois pour toutes le nid confortable de l'enfance, et d'affronter fièrement le monde réel.
La laïcité en obligeant tout citoyen à admettre que ses croyances ne sont que des cas particuliers de la liberté de conscience générale accordée à tous par la République.
Grâce à ces deux inventions de la civilisation occidentale – et surtout de l'Europe de l'Ouest – les religions, qui ont survécu grâce à cette ligne, finiront par disparaître. C'est d'ailleurs une des missions de notre République laïque : remplacer les croyances superstitieuses par des connaissances rationnelles.
On aura bien sûr toujours le droit de croire aux forces surnaturelles qui nous conviennent, à un éventuel créateur d'univers, aux anges gardiens ; mais les clergés, les bonimenteurs qui prétendent parler au nom d'un dieu, connaître le Bien et le Mal, les organisations hiérarchiques qui s'enrichissent de la crédulité des ignorants ou des faibles d'esprit seront regardés comme des archaïsmes, des entreprises sectaires, des tentatives d'escroquerie. Et l'humanité, prenant enfin confiance en elle-même, loin des mythologies moralisatrices, s'autorisera à décider souverainement, par le débat et la controverse, dans la polémique et l'argumentation, de ce qui est "bien" et de ce qui est "mal".

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